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L'Observatoire de FARM

L'Observatoire analyse et compare les soutiens publics à l'agriculture et à l'alimentation dans le monde.

Dans son Observatoire, la Fondation FARM propose des analyses globales et des focus sur les soutiens publics à l’agriculture et à l’alimentation

Trois indicateurs clés sont analysés : les dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation, le soutien des prix du marché et le soutien total à l’agriculture et à l’alimentation.

Le premier volet de ces analyses concerne les éléments clés à retenir sur les dépenses publiques dans le monde et plus spécifiquement en Afrique subsaharienne. Le deuxième volet est consacré à l’étude des soutiens des prix du marché, et enfin le dernier volet dédié à l’analyse du soutien total.

Analyses des indicateurs de soutiens en 2024

Découvrez les analyses récentes sur les 3 principaux indicateurs de l’Observatoire

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Les Dépenses publiques à l’agriculture et à l’alimentation (DPAA)

Après sa mise en ligne en 2022, l’Observatoire mondial des soutiens publics à l’agriculture et à l’alimentation de la Fondation FARM connaît de nouveaux développements, avec la mise en ligne de données inédites ! Après les premières analyses publiées, FARM offre un regard approfondi et renouvelé sur les interventions des États dans le domaine du soutien à l’agriculture et à l’alimentation. Combien et sous quelles formes les États dépensent-ils pour soutenir leurs secteurs agricoles et alimentaires mais aussi quels écarts de soutien observe-t-on entre les pays ?

Une plateforme de connaissances enrichie sur les soutiens publics à l’agriculture

 

L’Observatoire propose de nouvelles analyses reposant sur des données actualisées issues de sources reconnues (OCDE, BID, MAFAP-FAO) et est enrichi par l’ajout de nouveaux pays [1] grâce aux données du programme MAFAP. Il permet une analyse plus fine des tendances et des écarts de soutien entre les pays, fournissant aux décideurs et acteurs du secteur agricole une compréhension essentielle pour concevoir des politiques de soutien plus efficaces et justes.

L’Observatoire couvre désormais 45 pays à revenu élevé, 39 pays à revenu intermédiaire et 9 pays à faible revenu représentant ensemble plus de 90 % de la valeur de la production agricole mondiale. Les données s’étendent de 1986 à 2022, selon les pays.

Les analyses de l’Observatoire continuent de s’articuler autour des trois indicateurs clés : les Dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation, le Soutien des prix du marché (les mesures créant un écart entre le prix intérieur et celui des marchés internationaux), et le Soutien total à l’agriculture et à l’alimentation (lien vers la note méthodologique). Ce premier volet de l’analyse de l’Observatoire de FARM se concentre sur les dépenses publiques de soutien à l’agriculture.

[1] Les nouveaux pays sont : la Mauritanie, le Niger, le Nigéria, les Seychelles et le Bangladesh

Plus de 542 milliards $ de dépenses publiques mondiales consacrées à l’agriculture et à l’alimentation

 

Le montant des dépenses publiques mondiales orientées vers le soutien à l’agriculture et à l’alimentation, calculé sur la moyenne des trois dernières années connues, s’élève à plus de 542 milliards de dollars américains (USD). Près de 90 % de ce montant est concentré dans quatre grandes régions : en tête l’Asie de l’Est (130 milliards), l’Amérique du Nord (125 milliards), l’Asie du Sud (119 milliards), et l’Europe de l’Ouest et du Centre (106 milliards) (graphique 1).

Graphique 1

Le graphique 2 présente le détail de ces dépenses calculées sur la moyenne des trois dernières années par pays et exprimées en millions USD au sein de 11 regroupements régionaux. En Asie de l’Est, la Chine est le pays qui dépense le plus pour soutenir son agriculture avec plus de , représentant une part majeure des dépenses publiques de soutien dans cette région. En Amérique du Nord, les États-Unis dominent avec 119 milliards USD, suivis par le Canada avec 5,5 milliards USD. Pour l’Asie du Sud, l’Inde est le plus grand contributeur avec 114 milliards USD. Le bloc formé par l’Union européenne occupe une place importante avec 92,5 milliards USD, suivie du Royaume-Uni (6 milliards USD).

Comme l’indique le graphique, le Brésil, le Mexique, l’Éthiopie, la Turquie, la Russie, l’Australie et l’Indonésie sont les pays qui qui dépensent le plus pour soutenir les secteurs agricole et alimentaire dans leur sous-région respective.

Graphique 2

Les écarts dans les montants des dépenses publiques de soutien à l’agriculture entre les principales régions (Asie de l’Est, Amérique du Nord, Asie du Sud, Europe de l’Ouest et du Centre) et le reste du monde sont considérables. Ces différences révèlent des écarts profonds en termes de capacités budgétaires et de priorités stratégiques entre les pays. Les régions les plus riches et les plus industrialisées allouent des sommes beaucoup plus importantes pour soutenir leur secteur agricole, tandis que les régions à revenu plus faible, comme l’Afrique subsaharienne, disposent de moyens limités pour financer ce type de soutien alors que le secteur agricole est un secteur clé de leurs économies et que l’insécurité alimentaire demeure un problème public sérieux.

Au cours des deux dernières années (voir les analyses de la Fondation FARM), les dépenses publiques mondiales de soutien à l’agriculture et à l’alimentation n’ont que peu évolué. Le panorama mondial demeure dominé par les pays riches et industrialisés, qui, bien que moins dépendants de l’agriculture, investissent davantage dans ce secteur.

Ces disparités rendent les comparaisons entre pays et régions difficiles si l’on considère uniquement les montants bruts des dépenses publiques. Pour faciliter les comparaisons, nous rapporterons ces montants à la valeur de la production agricole de chaque pays. Cela permet de mesurer l’intensité du soutien ou en d’autres termes l’effort financier consenti par un État, quel que soit son niveau de richesse pour soutenir son agriculture.

 

L’Asie du Sud, l’Amérique du Nord et l’Europe en tête avec des efforts financiers bien au-delà de la moyenne mondiale

 

Lorsqu’elles sont rapportées à la valeur de la production agricole, l’analyse des dépenses publiques montre aussi des écarts significatifs dans l’intensité du soutien entre les pays et les régions. Au niveau mondial, les efforts financiers consentis par les États pour soutenir à l’agriculture représente en moyenne 14 % de la valeur de la production agricole mondiale. Les régions comme l’Amérique du Nord, l’Asie du Sud, et l’Europe de l’Ouest et du Centre se démarquent par un fort engagement financier envers l’agriculture (graphique 3). En effet, l’Asie du Sud affiche l’un des taux les plus élevés des dépenses publiques agricoles représentant 25 % de la valeur de sa production primaire. Juste derrière l’Asie du Sud, l’Amérique du Nord consacre 24 % de la valeur de sa production agricole pour financer son secteur agricole. Avec un soutien de 20 %, l’Europe se distingue également par son engagement financier dans l’agriculture. Cependant, il convient de noter que la réforme de la Politique agricole commune (PAC) de 2003, mise en œuvre dans les années suivantes, a entraîné une réduction des dépenses publiques agricoles. Cette diminution s’explique notamment par le découplage des aides, auparavant liées à la production agricole. Ainsi, les dépenses publiques agricoles sont passées de 27 % de la valeur de la production agricole en 2006 à seulement 17 % en 2022.

À l’inverse, des régions comme l’Afrique subsaharienne (8 %) ou l’Amérique du Sud (2 %), malgré une dépendance significative à l’agriculture pour la croissance économique et la sécurité alimentaire, montrent un soutien plus faible, en raison de contraintes budgétaires et/ou de stratégies orientées vers d’autres mécanismes de soutien, notamment à travers le marché.

Graphique 3

Les pays nordiques, champions en termes d’intensité des dépenses publiques de soutien à l’agriculture

 

Le graphique 4 présente une vue détaillée des efforts consentis par chaque pays pour soutenir leur agriculture, exprimés en pourcentage de la production agricole. La Norvège, la Suisse et l’Islande se démarquent avec des niveaux de soutien élevés, atteignant respectivement 55 %, 48 % et 40 % de la production agricole. Parmi les grandes économies agricoles, les États-Unis et l’Inde affichent également un soutien significatif, chacune à 26 %. Certains pays d’Afrique subsaharienne montrent également un engagement public notable. En Éthiopie, en Tanzanie et au Sénégal, les pouvoirs publics consacrent respectivement 23 %, 22 % et 20 % de la valeur de leur production agricole au soutien du secteur, ce qui témoigne d’un effort financier significatif pour ces pays par rapport aux autres pays de la région. En revanche, la Chine, qui représente près de 20 % des 542 milliards USD de dépenses publiques mondiales consacrées à l’agriculture, affiche un soutien relatif nettement inférieur, représentant seulement 6 % de la valeur de sa production agricole, soit une intensité deux fois inférieure à la moyenne mondiale.

Graphique 4 : Panorama détaillé par pays : Dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation pays, en % de la valeur de la production agricole

Différentes approches ou stratégies pour dépenser dans l’agriculture

 

3/5 des dépenses publiques mondiales de soutien à l’agriculture et à l’alimentation sont des transferts budgétaires encourageant la production ou destinées aux producteurs

Les dépenses publiques de soutien sont réparties en trois grandes catégories : transferts budgétaires à la production, transferts budgétaires à la consommation et services collectifs (infrastructures, formations, recherches et vulgarisation, etc.) pour le développement agricole (graphique 5). Chaque région a ses priorités et adoptent des stratégies distinctes. L’analyse des dépenses publiques permet de rendre compte de ces options et objectifs : soutenir directement la production, la compétitivité et le revenu des producteurs ; rendre les produits agricoles plus abordables pour les consommateurs ou encore investir dans le développement d’infrastructures en milieu rural et de services dédiés au développement de l’agriculture. La répartition des dépenses traduit donc des priorités différentes qui répondent aux besoins spécifiques des pays mais aussi à l’héritage des politiques publiques agricoles, comme l’indiquent les débats relatifs aux réformes de la Politique agricole commune au sein de l’UE.

Par exemple, les Etats-Unis consacrent plus de la moitié (55 %) de leurs dépenses publiques agricoles au soutien à la consommation. L’objectif est de garantir des produits agroalimentaires plus abordables pour les consommateurs, notamment à travers les vastes programmes de subvention alimentaire tel que le SNAP (Supplemental Nutrition Assistance Program) plus connu sous le nom de Food stamps ou encore le programme de soutien à l’alimentation en milieu scolaire (National School Lunch Program). Ces politiques participent de manière indirecte à soutenir la production agricole. Les transferts à la production y sont également importants, soit 35 % des dépenses consacrées aux secteurs tandis que les services collectifs pour le développement agricole sont relativement faibles (10 %). De l’autre côté de la frontière, au Canada, seulement 2 % des dépenses agricoles sont consacrées à la consommation, le reste est dirigé massivement vers la production (65 %) et les services collectifs (33 %).

En Asie du Sud, l’approche peut aussi varier d’un pays à l’autre. L’Inde consacre respectivement 46 % et 39 % de ses dépenses agricoles pour encourager la consommation et la production. Le Bangladesh priorise quant à lui le soutien aux services collectifs (62 % des dépenses) alors que les transferts budgétaires à la production représentent 31% des dépenses.

En Europe de l’Ouest et du Centre, la priorité est globalement accordée aux transferts à la production, qui représentent 85 % des dépenses agricoles, montrant un soutien direct aux producteurs agricoles à travers les aides de la Politique agricole commune pour les pays de l’Union européenne. Les services collectifs pour le développement agricole sont limités à un peu moins de 15 %, tandis qu’il n’y a pratiquement aucun transfert orienté vers le soutien à la consommation.

En Afrique subsaharienne, l’essentiel des dépenses publiques (près de 90 %) est dirigé vers les services collectifs pour le développement agricole. Cela montre une approche axée sur l’infrastructure et le développement général du secteur plutôt que sur des subventions directes à la production ou à la consommation. Ces dépenses sont certes nécessaires mais constituent un soutien indirect à la production composé majoritairement de dépenses de service rural (santé, éducation, pistes, etc.) comme nous l’avons montré dans l’analyse publiée en 2022 (retrouvez l’analyse de 2022 ici).

Graphique 5 :

 

Regards sur l’Afrique subsaharienne

 

Tout comme dans les autres régions, les dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation ont très peu évolué en Afrique subsaharienne. En outre, les données détaillées disponibles sur cette région sont relativement faibles et concernent principalement l’Afrique de l’Ouest et de l’Est. Grace aux efforts du Programme MAFAP de la FAO, le nombre de pays couvert est passé à 19 avec l’ajout de la Mauritanie, du Niger, du Nigéria et des Seychelles.

L’essentiel des dépenses publiques de soutien public à l’agriculture et à l’alimentation en Afrique subsaharienne reste massivement orienté vers la fourniture de services collectifs pour le développement du secteur agricole et du milieu rural. L’ensemble des services collectifs représente 86 % du total des dépenses budgétaires agricoles mais les deux-tiers (56 %) de ces dépenses ne ciblent pas directement le secteur agricole. Il s’agit par exemple de dépenses rurales de santé, d’éducation, d’infrastructures, etc. Ces dépenses rurales sont cependant essentielles et contribuent, de manière indirecte, au développement du secteur agricole dans la mesure où la majeure partie des populations rurales travaille dans ce secteur (graphique 6).

Les transferts ciblant la production sont faibles (8 %) et les politiques commerciales mises en œuvre réduisent voire annulent les effets des soutiens aux producteurs. Ces politiques commerciales sont souvent orientées vers le maintien d’une alimentation accessible économiquement pour les consommateurs (voir les analyses précédentes sur le biais urbain). Ces politiques commerciales favorisent les importations de produits alimentaires dont les prix sont plus compétitifs que ceux des produits locaux. Dans certains pays comme le Rwanda ou le Mali, les transferts budgétaires octroyés aux producteurs n’arrivent pas à compenser les effets négatifs des politiques commerciales (le troisième volet des analyses de l’Observatoire sur le Soutien total reviendra en détails sur ces cas).

Graphique 6

 

Une dépendance notable à l’aide en temps de crises budgétaires chez les donneurs

 

De plus, comme l’indique le graphique 7, il faut noter une certaine dépendance des budgets agricoles à l’aide internationale. Entre 10 et 40 % des dépenses agricoles proviennent du soutien des bailleurs de fonds et des partenaires techniques et financiers. Une telle dépendance peut nuire à l’efficience et à la durabilité des stratégies agricoles dans les différents pays en particulier dans un contexte marqué par la contrainte budgétaire des bailleurs.

En effet, une tendance forte au désengagement est en cours aujourd’hui, notamment en France dont le gouvernement Barnier envisage un recul de 34 % des ressources destinées à l’aide publique au développement (APD). Si c’est en France que la baisse envisagée est la plus importante, d’autres pays européens ont engagé ce repli comme l’Allemagne, la Finlande ou la Grande-Bretagne. Les pays du Nord qui étaient parmi les rares économies riches à atteindre l’objectif de 0,7 % du Revenu national brut dédié à l’APD fixé par les Nations Unies. L’Union européenne qui est aussi un bailleur majeur va aussi diminuer son soutien aux pays vulnérables avec une baisse prévue de 35 % de ses crédits alloués aux Pays les moins avancés, sur la période 2025-2027 par rapport à la période précédente.

Graphique 7

 

De Maputo à Kampala : des résultats mitigés

 

En 2003, lors du Sommet de Maputo au Mozambique, les chefs d’État de l’Union africaine se sont engagés à allouer au moins 10 % de leurs budgets publics au secteur agricole, avec pour ambition d’atteindre une croissance annuelle de 6 % dans ce secteur. Il s’agissait pour les dirigeants de positionner le secteur primaire comme moteur du développement économique et social du continent. Cet engagement pris dans le cadre du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA) a été renouvelé en 2014 à Malabo, en Guinée équatoriale.

Cependant, les réalités budgétaires montrent que de nombreux pays peinent à respecter cet engagement. Selon les données du programme MAFAP que nous avons analysées, sur 19 pays, seuls 9 ont atteint la cible minimale de 10 % de dépenses publiques consacrées à l’agriculture et à l’alimentation. Si l’on exclut les dépenses rurales, considérées comme des soutiens indirects au secteur agricole, seule l’Éthiopie respecte pleinement ses engagements vis-à-vis de l’objectif de Maputo (graphique 8). Ces données conduisent, de fait, à s’interroger sur les moyens mis en œuvre tout autant que sur l’engagement et la volonté des États africains à soutenir efficacement leur agriculture.

Du 9 au 11 janvier 2025, Kampala accueillera le Sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine. Ce sommet sera consacré à l’adoption de la nouvelle Stratégie et du Plan d’action du PDDAA pour la période 2026-2035. Cette rencontre représente une opportunité cruciale pour les États membres de réaffirmer leur engagement envers le développement agricole et de définir des actions concrètes pour atteindre les objectifs fixés. Il est impératif que les discussions aboutissent à des engagements financiers solides et à des mécanismes de suivi rigoureux, afin de transformer les promesses en réalisations tangibles pour le secteur agricole africain.

Graphique 8

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Le Soutien des prix du marché (SPM)

A venir : fin janvier 2025

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Le Soutien total à l’agriculture et à l’alimentation

A venir : fin février 2025


Analyses des indicateurs de soutiens en 2022

Découvrez les analyses sur les 3 principaux indicateurs de l’Observatoire réalisées en 2022

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Les Dépenses publiques à l’agriculture et à l’alimentation (DPAA)

Que recouvre ces dépenses publiques ?

Il s’agit de tous les décaissements budgétaires/publics consacrés au développement du secteur agricole. Elles comprennent des transferts budgétaires aux producteurs, des transferts aux consommateurs pour l’accès aux produits de base et des services collectifs pour le développement du secteur agricole ( plus d’informations sur les indicateurs sont disponibles dans la note méthodologique).

 

Qui dépense le plus pour son agriculture ?

Il existe au niveau mondial de très grands écarts en matière de soutiens publics à l’agriculture et à l’alimentation. Globalement, plus un pays a des revenus élevés, plus il dépense pour soutenir ses agriculteurs et ses agricultrices (en proportion de la valeur de la production agricole) alors que l’agriculture ne fournit plus chez lui qu’une partie mineure de l’emploi et de la croissance économique. Ainsi, dans les pays à revenu élevé, l’intensité de ces dépenses est plus de deux fois supérieure à celle des pays à revenu intermédiaire (9 %) et à faible revenu (10 %).

 

 

L’Europe et l’Amérique du Nord, qui sont les deux premières régions exportatrices de produits agricoles bruts et transformés, sont aussi celles qui dépensent le plus pour leur agriculture et leur alimentation. Comme l’indique la carte 1, cela représente entre 22 et 25 % de la valeur de la production agricole, un chiffre particulièrement élevé en comparaison avec les autres pays et régions, à l’exception de l’Inde (24 %).

Il ne faut pas perdre de vue que les chiffres ci-dessus sont des moyennes, qui cachent d’importantes variations au sein de chaque catégorie de pays. Ainsi, l’intensité des dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation dans les pays d’Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande) est très inférieure à la moyenne des pays à haut revenu et comparable à celle de certains pays africains à faible revenu.

 

 

 

Des producteurs 14 fois plus aidés dans les pays riches

On observe de fortes variations au sein de chaque catégorie de pays. Ces écarts tiennent principalement aux différences dans le montant des transferts budgétaires aux producteurs. Ces derniers représentent la majeure partie des dépenses de soutien dans les pays à revenu élevé et intermédiaire. Au contraire, dans les pays à faible revenu, alors que les producteurs occupent le plus souvent une place capitale dans l’économie et l’emploi, ils sont bien moins soutenus. Les transferts budgétaires aux producteurs sont 14 fois plus importants dans les pays à revenu élevé que dans les pays à faible revenu. L’Afrique subsaharienne arrive très loin derrière avec un soutien aux producteurs inférieur en moyenne à 1 % de la valeur de la production agricole. En Éthiopie, par exemple, les transferts budgétaires aux producteurs sont presque 100 fois plus faible qu’au sein de l’UE (en pourcentage de la valeur de la production agricole).

 

Des consommateurs peu soutenus dans les pays à revenu faible

L’Observatoire de FARM analyse aussi les transferts budgétaires aux consommateurs qui prennent notamment la forme de subventions. Les pays à revenu élevé sont ceux qui soutiennent le plus la consommation alimentaire (5 % de la valeur de la production agricole). Ces transferts sont particulièrement élevés en Amérique du Nord où ils représentent 12 % de la valeur de la production agricole. L’Inde fait également partie des pays qui soutiennent le plus la consommation alimentaire.

Malgré l’insécurité alimentaire qui reste prégnante en Afrique subsaharienne, les transferts aux consommateurs en provenance du budget de l’État y sont inférieurs à 1 % de la valeur de la production agricole. Ces transferts budgétaires à la consommation en Afrique subsaharienne sont majoritairement composés d’aides aux consommateurs (98 %). Seulement 1 % du soutien à la consommation est consacré aux transformateurs, pourtant essentiels au développement des filières agroalimentaires.

 

Soutiens par actifs agricoles ou par hectare : le grand écart mondial

La hiérarchie de l’intensité des dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation par pays n’est pas forcément la même selon l’indicateur utilisé. Ainsi, sur la période considérée, les dépenses de soutien dans l’Union européenne, comparées aux États-Unis, étaient moins élevées en proportion de la valeur de la production agricole et de la valeur ajoutée de l’agriculture, mais sensiblement plus grandes par hectare agricole. L’écart du soutien entre pays riches, pays émergents et pays à faible revenu s’accroît considérablement quand on ramène les montants au nombre d’actifs familiaux ou salariés travaillant en agriculture. Ainsi, les dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation par actif agricole, aux États-Unis, sont 80 fois supérieures à celles existant en Inde et 2 690 fois plus importantes qu’au Ghana.

Dépenses publiques de soutien à l'agriculture

Afrique subsaharienne : une agriculture indirectement soutenue

Sur les 15 pays analysés dans l’Observatoire de FARM, 10 ont atteint la cible de financement décidé par les États africains à Maputo.  En 2003 au Mozambique, ces derniers s’étaient engagés à travers le Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA), à consacrer au moins 10 % des budgets publics au secteur agricole afin de lui insuffler un nouvel élan et ainsi stimuler sa croissance à 6 % par année. Ce seuil de 10 % est depuis devenu le critère de performance par excellence du soutien public des agricultures africaines. Cependant, ces bons résultats sont attribuables à une partie trop importante des dépenses rurales qui ne soutiennent pas directement le secteur. Quand on considère uniquement les dépenses spécifiques à l’activité agricole, le niveau moyen de ce soutien est réduit de plus de moitié, soit de 12 % à 5 % du budget public total. En l’occurrence, l’Éthiopie devient le seul pays à respecter son engagement de Maputo.

Comme dans l’ensemble des pays à faible revenu, l’essentiel du soutien public à l’agriculture et à l’alimentation en Afrique subsaharienne est massivement orienté vers les services collectifs à l’agriculture et l’alimentation. Ces services représentent plus de 80 % du total des dépenses budgétaires agricoles mais les deux-tiers ne ciblent pas directement le secteur agricole. Il s’agit par exemple de dépenses rurales de santé, d’éducation, d’infrastructures, etc. Ces dépenses sont cependant essentielles et contribuent, de manière indirecte, au développement du secteur agricole dans la mesure où la majeure partie des populations rurales travaille dans ce secteur. Le tiers restant, orienté directement vers le secteur agricole, est composé de dépenses de formation (2% des services collectifs), de vulgarisation (2 %) ou d’infrastructures agricoles (11 %).

La part consacrée à la recherche (3 %) reste bien en deçà de l’objectif de 1 % du Produit intérieur brut agricole fixé par les accords de Malabo (0,29 % aujourd’hui). Pourtant, l’IFPRI soutenait dans son Global Food Policy Report, (2020) qu’un accroissement de la R&D agricole en Afrique subsaharienne, à hauteur de 1 % du PIB agricole, pourrait augmenter de 60 % la productivité d’ici 2050.

 

Le poids des subventions aux intrants

À la différence des pays à revenu élevé dans lesquels une grande partie des soutiens prend la forme de transferts budgétaires aux producteurs, en Afrique, ces dépenses demeurent très faibles (voir Tableau 1). Elles sont d’ailleurs affectées à plus de 90 % aux subventions à l’achat d’intrants, au détriment d’autres actions qui pourraient bénéficier tout autant, sinon plus, aux producteurs comme les subventions à la production, des soutiens aux revenus, etc. Au regard des niveaux de productivité agricole de la région, ce constat soulève de nombreuses questions quant à l’efficacité de ces subventions aux intrants (principalement des engrais) et de leurs poids dans les aides à la production.

 

Des budgets dépendants de l’aide extérieure

Si le soutien public qui va directement à l’agriculture et à l’alimentation demeure faible et concentré sur certaines mesures, il faut aussi rappeler que les budgets agricoles dépendent beaucoup de l’aide extérieure.

L’aide extérieure représente en moyenne 20 % des dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation. Toutefois, ce constat dissimule une grande disparité entre pays dans le degré de dépendance. Cette dépendance varie par exemple de 2 % pour le Ghana (2015/17) à plus de 50 % pour le Rwanda (2016/18).  En moyenne, ¾ de cette aide apportée par des donateurs extérieurs participent au financement de services collectifs pour le développement agricole, avec plus de la moitié consacrée à des dépenses rurales (éducation, santé, infrastructures…).

Il faut enfin souligner l’existence de différences dans le niveau d’exécution des budgets d’un pays à l’autre. La mise en œuvre des budgets agricoles se heurte à de nombreuses difficultés qui entravent leurs bonnes exécutions. En effet, seulement 73 % des budgets consacrés à l’agriculture et à l’alimentation sont effectivement dépensés. Le MAFAP énonce plusieurs raisons à cette situation et notamment une plus grande lenteur dans les décaissements des dépenses agricoles comparée à d’autres secteurs comme l’éducation mais aussi un non-alignement des décaissements avec les besoins du calendrier des activités agricoles.

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Le Soutien des prix du marché (SPM)

De quoi parle-t-on ?

Tel que calculé par l’OCDE, le SPM exprime la valeur monétaire du soutien des prix agricoles. Schématiquement, le SPM traduit, pour chaque produit agricole, l’écart entre le prix du marché intérieur et le prix mondial multiplié par le volume du produit. Cet écart de prix est déterminé notamment par les protections aux frontières, les réglementations sanitaires, les taxes et les coûts de transformation, d’acheminement ou encore de distribution qui touchent les produits entre la ferme et le marché de gros ou le marché de détail. Un SPM négatif signifie que les producteurs reçoivent des prix inférieurs, en moyenne, aux prix mondiaux de référence. Inversement, un SPM positif indiquera des prix payés aux producteurs supérieurs aux prix payés sur les marchés internationaux.

Suivant que le SPM est positif ou négatif, le prix perçu par le producteur est majoré ou minoré par rapport aux prix payés sur les marchés internationaux. Le SPM peut donc être considéré comme une mesure indirecte de la protection à l’importation. Plus il est positif, plus le producteur est protégé de la concurrence des produits importés. Plus il est négatif, moins il l’est. En l’état actuel de ce que propose l’Observatoire de FARM, les données sur le SPM sont incomplètes et ne couvrent pas encore les pays d’Afrique subsaharienne. De ce fait, cette analyse du SPM porte uniquement sur des pays à revenu élevé et intermédiaire (voir dans la note méthodologique la liste des pays concernés). La question du soutien des prix dans les pays africains est toutefois abordée, mais à travers un autre indicateur : le taux nominal de protection, calculé par le consortium Ag Incentives.

 

Une convergence des soutiens des prix du marché

Au cours des dernières décennies, de façon tendancielle et concomitante, le niveau du SPM s’est fortement réduit dans les pays à revenu élevé, tout en augmentant progressivement dans les pays à revenu intermédiaire. Comme l’indique le graphique, l’écart moyen entre ces deux catégories de pays s’est considérablement réduit au fil du temps et semble quasiment comblé en 2021. En effet, cet écart du SPM, exprimé en pourcentage de la valeur de la production agricole, est passé en moyenne de 15 % en 2000-2002, à seulement 2 % en 2019-2021. La baisse nette du SPM dans les pays à revenu élevé s’expliquerait d’une part, par les réformes de politiques agricoles à partir de la fin des années 1980 et d’autre part, par les contraintes consécutives à l’Accord de Marrakech sur l’agriculture, en 1994 à l’OMC. S’agissant des pays à revenu intermédiaire, ce constat pourrait signifier une volonté de conforter ou d’améliorer la sécurité alimentaire et/ou les bases d’une transformation structurelle des économies.

Toutefois, il existe de grandes disparités du SPM, notamment parmi les pays à revenu intermédiaire. Il ne faut pas perdre de vue que les évolutions par classe de revenu sont des moyennes, qui cachent d’importantes variations au sein de chaque catégorie de pays. Ainsi, le poids de certains géants agricoles de par leur intensité du soutien et la taille de leur agriculture influence la moyenne de ces catégories. C’est par exemple le cas de la Chine, du Brésil ou de l’Inde parmi les pays à revenu intermédiaire.

 

Pourquoi un SPM négatif pour certains pays à revenu intermédiaire ?

L’analyse du tableau fait remarquer cinq pays à revenu intermédiaire qui affichent des SPM négatifs : l’Argentine, l’Inde, le Kazakhstan, l’Ukraine et le Vietnam. C’est une situation qui indique que les prix payés aux producteurs dans ces pays sont inférieurs aux prix mondiaux. Cela peut s’interpréter comme un prélèvement indirect ou une taxation implicite des producteurs. Les SPM négatifs peuvent s’expliquer essentiellement par des inefficacités de marché (coûts élevés de transformation et de transport, rentes monopolistiques…), ou encore des réglementations sur la commercialisation de certaines productions (Inde) et des taxes à l’exportation (Argentine). Ces SPM négatifs donnent lieu à des transferts des producteurs vers les consommateurs et l’État (sous la forme de taxes prélevées en cas d’exportation du produit). Pour la période 2019-2021, les SPM négatifs représentaient en moyenne près de 20% de la valeur de la production agricole en Argentine et en Inde. Les producteurs de ces pays sont lourdement taxés au profit des consommateurs qui profitent d’un bas niveau des prix sur les produits de base.

 

Afrique : une agriculture relativement peu protégée

Ne disposant pas des données pour les pays africains, nous utilisons le taux nominal de protection (TNP) pour analyser le soutien des prix agricoles. Il exprime, pour chaque produit agricole, l’écart entre le prix payé au producteur et le prix à la frontière, en pourcentage du prix à la frontière. Un TNP négatif indique que le producteur est « taxé » par les politiques menées et/ ou que les protections existantes sont inefficaces.

Grâce notamment à de solides protections à l’importation, le soutien des prix agricoles est plus élevé dans les pays à revenu élevé et intermédiaire que dans les pays africains. D’ailleurs, on peut constater que le Taux nominal de protection en Afrique est resté négatif sur toute la période 2005-2018. En 2018, ce taux nominal de protection (TNP) dans les pays à revenu élevé était supérieur en moyenne de 30 points de pourcentage à celui en Afrique, contre 5 points par rapport aux pays à revenu intermédiaire. Cette évolution du TNP montre que l’agriculture africaine est relativement peu protégée et elle l’est à un degré moindre que dans les autres régions en développement (voir l’étude de FARM sur les protections à l’importation). Ce constat est d’autant plus important que les dépenses publiques à l’agriculture et à l’alimentation (DPAA) sont également beaucoup moins élevées dans les pays africains.

Ce TNP négatif signifie que les gouvernements africains protègent avant tout les consommateurs au détriment des producteurs agricoles. En effet, les États d’Afrique subsaharienne ont longtemps entretenu, à l’encontre du secteur agricole, un « biais urbain » qui s’est traduit par des droits de douane relativement faibles – la priorité étant donnée à l’alimentation des villes par des produits importés -, une taxation des produits agricoles exportés, etc. Il résulte de cette situation pour les producteurs africains une concurrence de produits importés à bas prix, de la part de pays ou de régions où la productivité agricole est considérablement plus élevée. Et ce d’autant plus qu’un certain nombre de ces pays – en particulier les États membres de l’Union européenne, les États-Unis, mais aussi l’Inde et la Chine – subventionnent fortement leur agriculture, souvent depuis longtemps, ce qui leur a d’ailleurs permis de construire des avantages comparatifs dans ce secteur. Or il existe une corrélation forte, dans les différentes régions du monde, entre la suppression du biais urbain, anti-agricole, et le niveau de développement de plusieurs pays émergents, notamment en Asie.

 

Faut-il accroître le soutien des prix agricoles en Afrique ?

Poser cette question revient à ouvrir de nouveau l’épineux débat sur la protection de l’agriculture africaine. Ce débat est particulièrement important dans le contexte de redéfinition du partenariat Afrique-Europe et de renégociation des Accords de partenariat économique (APE). De plus, le continent africain s’est engagé depuis 2018 dans la constitution d’une Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), mise en place en janvier 2021. La création de la ZLECAf interroge le futur des relations commerciales entre les pays africains ainsi que le niveau de protection des agricultures et des filières agroalimentaires. Cette question devrait constituer un pilier essentiel de l’agenda politique de l’Union africaine à l’heure de la réaffirmation de l’objectif de souveraineté alimentaire.

Pour l’heure, le soutien à l’agriculture en Afrique est pris dans une contradiction politique. Les dépenses de soutien à l’agriculture et à l’alimentation sont supposées stimuler la productivité du secteur. Or le soutien négatif des prix agricoles efface les effets de ces dépenses et n’offre pas aux agriculteurs un climat propice à l’amélioration de la production. Ce constat soulève plus largement la question de la cohérence des politiques agricoles et commerciales.

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Le Soutien total à l’agriculture et à l’alimentation

Comprendre le soutien total

 

Petit retour en arrière : l’Observatoire de FARM s’appuie sur trois indicateurs clés pour évaluer l’engagement des États en faveur de l’agriculture et de l’alimentation. Ces indicateurs sont les dépenses publiques à l’agriculture et à l’alimentation, le soutien des prix du marché et le soutien total.

Deux grandes tendances majeures ont été relevées :

1) Les pays qui dépendent le plus de l’agriculture dépensent le moins pour soutenir leurs agriculteurs et agricultrices;

2) Les pays riches et émergents ont des politiques protectionnistes plus marquées pour soutenir les prix intérieurs face à la concurrence des produits agricoles importés, notamment par rapport aux pays africains qui sont relativement moins compétitifs.

Concentrons-nous désormais sur le soutien total qui révèle un paysage mondial dominé par les pays riches et une montée en puissance des économies émergentes. Le soutien total à l’agriculture et à l’alimentation est égal à la somme des dépenses publiques et du soutien des prix agricoles. Sur la période 2019/21, il est en moyenne deux fois plus élevé dans les pays à revenu élevé que dans les pays à revenu intermédiaire.

Les pays à revenu élevé soutiennent en moyenne leur agriculture et leur alimentation à hauteur de 29 % de la valeur de la production agricole, contre 14 % pour les pays à revenu intermédiaire. Cependant, nous ne disposons pas des données relatives aux soutiens des prix agricoles dans les pays à faible revenu pour les comparer aux autres.

 

Soutien à l’agriculture : forte baisse dans les pays à revenu élevé, hausse légère dans les pays à revenu intermédiaire

 

Le soutien total à l’agriculture et à l’alimentation dans les pays à revenu élevé a néanmoins subi une baisse importante au cours des 20 dernières années. En effet, il a été réduit de près de moitié, soit un passage de 44 % de la valeur de la production agricole en 2000 à 25 % en 2021. Cette baisse du soutien total est observée jusqu’en 2014 et reste imputable aux réformes des politiques agricoles entreprises par ces pays pour se conformer aux règles de l’Accord sur l’agriculture. Ces dernières ont été signées au terme des négociations commerciales du cycle d’Uruguay qui ont abouti à la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994. Inversement, les pays émergents ont augmenté leur soutien à l’agriculture pour favoriser le développement de leur secteur agricole et assurer leur sécurité alimentaire.

Ces évolutions doivent cependant être considérées avec prudence, car le soutien total diminue mécaniquement lorsque les prix agricoles mondiaux augmentent, et cela même si les politiques agricoles restent inchangées. Cette prudence se justifie par le mode de calcul du soutien des prix du marché. En effet, celui-ci est calculé pour un produit agricole donné, en multipliant la quantité produite par un écart de prix.  Cet écart de prix étant lui-même obtenu à partir d’une différence entre le prix du marché intérieur et le prix mondial du produit concerné. De ce fait, toute augmentation du prix mondial du produit a pour effet mécanique de réduire la différence de ce dernier (prix mondial) avec le prix du marché intérieur et par conséquent, une réduction du soutien des prix du marché et du soutien total.

 

La fin de la convergence ?

 

 

Comme l’indique le graphique montrant l’évolution du soutien total, on observe ces dernières années un creusement de l’écart du soutien total à l’agriculture et l’alimentation entre pays à revenu élevé et intermédiaire après une longue période de convergence tendancielle. Depuis 2015, cet écart est lié à des stratégies de soutien à l’agriculture différentes. Les dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation (transferts budgétaires aux producteurs ou aux consommateurs, investissements dans la recherche, les infrastructures, la formation, etc.) ont ainsi crû dans les pays à haut revenu depuis 2014. Dans les pays à revenu intermédiaire, hormis un léger accroissement de 1 % en 2020, notamment pour soutenir le secteur agricole face à la pandémie de Covid-19, le niveau de ces décaissements budgétaires est resté relativement constant sur les deux dernières décennies. L’augmentation du soutien total à l’agriculture et à l’alimentation dans ces pays est attribuable aux politiques de soutien des prix du marché comme les mesures aux frontières (les droits de douane, les subventions et taxes à l’exportation ou encore les contingentements d’importation et d’exportation) et les mesures non tarifaires (réglementations sanitaires).

Bien qu’elles soient à des niveaux différents dans les pays riches et dans les pays émergents, la majeure partie du soutien total est octroyée sous une forme de dépenses budgétaires. Ces dépenses publiques atteignent plus de 75 % du soutien total des pays à revenu élevé et représentent pas moins de 60 % dans les pays émergents.

 

Argentine et Vietnam : des soutiens négatifs

 

En règle générale, les politiques de soutien négatif visent souvent à atteindre des objectifs de sécurité alimentaire en offrant des prix bas aux consommateurs, ou à mobiliser des ressources budgétaires en collectant des recettes fiscales grâce aux taxes d’exportation sur certains produits agricoles.   Bien qu’il existe de grandes différences d’un pays à l’autre, il faut souligner que ce type de soutien caractérise certains pays à revenu intermédiaire. Cela se produit lorsque la valeur monétaire du soutien des prix agricoles est inférieure aux dépenses publiques pour l’agriculture. L’Argentine et le Vietnam en sont des exemples, avec des politiques de soutien des prix négatifs, respectivement de -20 % et -9 % de la valeur de la production agricole tandis que les dépenses publiques sont de seulement 1 % et 4 %. Ainsi, leur soutien total à l’agriculture et à l’alimentation se réduit à -19 % et -5% de la valeur de la production agricole. En d’autres termes, pour l’Argentine, cela signifie que l’État donne d’une main 1 % de la valeur de production agricole en soutien à ses agriculteurs, pour en reprendre 20 % de l’autre via des taxes à l’exportation par exemple.

L’Inde pratique également un soutien similaire à ses agriculteurs, mais à un degré moindre : elle ne retire pas plus que ce qu’elle donne. Avec des dépenses publiques et un soutien des prix du marché de 24 et – 19 % respectivement, le soutien total à l’agriculture et à l’alimentation est de 5 % de la valeur de la production agricole. Il faut toutefois préciser que l’Argentine, l’Inde et le Vietnam ont des agricultures compétitives et constituent de grands exportateurs de produits agricoles dans le monde, ce qui leur permet de pratiquer de telles politiques sans compromettre la prospérité de leurs secteurs agricoles.

 

Les États africains doivent davantage soutenir l’agriculture

 

En l’absence de données comparables pour évaluer le soutien total à l’agriculture et à l’alimentation en Afrique subsaharienne, les analyses précédentes sur le taux nominal de protection et les dépenses publiques de soutien permettent de donner une idée du soutien global à l’agriculture. Elles montrent que la faible compétitivité des filières agricoles de ces pays, combinée à une faible protection contre les importations de produits à bas prix et fortement subventionnés, réduit l’efficacité des dépenses publiques à l’agriculture, qui sont en plus insuffisantes. Pourtant, l’agriculture en Afrique manque cruellement d’investissements et de protection pour relever les nombreux défis qui la concernent. Il apparaît donc essentiel que le soutien à l’agriculture soit intensifié en Afrique, par les gouvernements avec des politiques publiques qui abordent le secteur sous l’angle plus large des chaînes de valeurs, au-delà de la production agricole. En effet, une approche systémique de l’agriculture, du champ à l’assiette avec des mesures de protection sociale incluant des stratégies en matière de nutrition, mais aussi des politiques de conservation de la biodiversité apparaît primordiale. D’autant plus que les effets du changement climatique vont peser lourdement sur les capacités du continent à produire et nourrir une population en forte croissance. Le rôle des partenaires techniques et financiers est dans ce contexte capital pour accompagner ces transformations.

Le second sommet de Dakar sur la souveraineté alimentaire et la résilience semble indiquer une volonté de redonner de l’importance à l’agriculture dans les politiques africaines, mais encore faudrait-il passer des intentions aux actes pour réaliser le potentiel agricole et alimentaire du continent.

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