L'Observatoire de FARM

L'Observatoire analyse et compare les soutiens publics à l'agriculture et à l'alimentation dans le monde.

Dans son Observatoire, la Fondation FARM propose des analyses globales et des focus sur les soutiens publics à l’agriculture et à l’alimentation

Trois indicateurs clés sont analysés : les dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation, le soutien des prix du marché et le soutien total à l’agriculture et à l’alimentation.

Le premier volet de ces analyses concerne les éléments clés à retenir sur les dépenses publiques dans le monde et plus spécifiquement en Afrique subsaharienne. Le deuxième volet est consacré à l’étude des soutiens des prix du marché, et enfin le dernier volet dédié à l’analyse du soutien total.

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Les Dépenses publiques à l’agriculture et à l’alimentation (DPAA)

Que recouvre ces dépenses publiques ?

Il s’agit de tous les décaissements budgétaires/publics consacrés au développement du secteur agricole. Elles comprennent des transferts budgétaires aux producteurs, des transferts aux consommateurs pour l’accès aux produits de base et des services collectifs pour le développement du secteur agricole ( plus d’informations sur les indicateurs sont disponibles dans la note méthodologique).

 

Qui dépense le plus pour son agriculture ?

Il existe au niveau mondial de très grands écarts en matière de soutiens publics à l’agriculture et à l’alimentation. Globalement, plus un pays a des revenus élevés, plus il dépense pour soutenir ses agriculteurs et ses agricultrices (en proportion de la valeur de la production agricole) alors que l’agriculture ne fournit plus chez lui qu’une partie mineure de l’emploi et de la croissance économique. Ainsi, dans les pays à revenu élevé, l’intensité de ces dépenses est plus de deux fois supérieure à celle des pays à revenu intermédiaire (9 %) et à faible revenu (10 %).

 

 

L’Europe et l’Amérique du Nord, qui sont les deux premières régions exportatrices de produits agricoles bruts et transformés, sont aussi celles qui dépensent le plus pour leur agriculture et leur alimentation. Comme l’indique la carte 1, cela représente entre 22 et 25 % de la valeur de la production agricole, un chiffre particulièrement élevé en comparaison avec les autres pays et régions, à l’exception de l’Inde (24 %).

Il ne faut pas perdre de vue que les chiffres ci-dessus sont des moyennes, qui cachent d’importantes variations au sein de chaque catégorie de pays. Ainsi, l’intensité des dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation dans les pays d’Océanie (Australie, Nouvelle-Zélande) est très inférieure à la moyenne des pays à haut revenu et comparable à celle de certains pays africains à faible revenu.

 

 

 

Des producteurs 14 fois plus aidés dans les pays riches

On observe de fortes variations au sein de chaque catégorie de pays. Ces écarts tiennent principalement aux différences dans le montant des transferts budgétaires aux producteurs. Ces derniers représentent la majeure partie des dépenses de soutien dans les pays à revenu élevé et intermédiaire. Au contraire, dans les pays à faible revenu, alors que les producteurs occupent le plus souvent une place capitale dans l’économie et l’emploi, ils sont bien moins soutenus. Les transferts budgétaires aux producteurs sont 14 fois plus importants dans les pays à revenu élevé que dans les pays à faible revenu. L’Afrique subsaharienne arrive très loin derrière avec un soutien aux producteurs inférieur en moyenne à 1 % de la valeur de la production agricole. En Éthiopie, par exemple, les transferts budgétaires aux producteurs sont presque 100 fois plus faible qu’au sein de l’UE (en pourcentage de la valeur de la production agricole).

 

Des consommateurs peu soutenus dans les pays à revenu faible

L’Observatoire de FARM analyse aussi les transferts budgétaires aux consommateurs qui prennent notamment la forme de subventions. Les pays à revenu élevé sont ceux qui soutiennent le plus la consommation alimentaire (5 % de la valeur de la production agricole). Ces transferts sont particulièrement élevés en Amérique du Nord où ils représentent 12 % de la valeur de la production agricole. L’Inde fait également partie des pays qui soutiennent le plus la consommation alimentaire.

Malgré l’insécurité alimentaire qui reste prégnante en Afrique subsaharienne, les transferts aux consommateurs en provenance du budget de l’État y sont inférieurs à 1 % de la valeur de la production agricole. Ces transferts budgétaires à la consommation en Afrique subsaharienne sont majoritairement composés d’aides aux consommateurs (98 %). Seulement 1 % du soutien à la consommation est consacré aux transformateurs, pourtant essentiels au développement des filières agroalimentaires.

 

Soutiens par actifs agricoles ou par hectare : le grand écart mondial

La hiérarchie de l’intensité des dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation par pays n’est pas forcément la même selon l’indicateur utilisé. Ainsi, sur la période considérée, les dépenses de soutien dans l’Union européenne, comparées aux États-Unis, étaient moins élevées en proportion de la valeur de la production agricole et de la valeur ajoutée de l’agriculture, mais sensiblement plus grandes par hectare agricole. L’écart du soutien entre pays riches, pays émergents et pays à faible revenu s’accroît considérablement quand on ramène les montants au nombre d’actifs familiaux ou salariés travaillant en agriculture. Ainsi, les dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation par actif agricole, aux États-Unis, sont 80 fois supérieures à celles existant en Inde et 2 690 fois plus importantes qu’au Ghana.

Dépenses publiques de soutien à l'agriculture

Afrique subsaharienne : une agriculture indirectement soutenue

Sur les 15 pays analysés dans l’Observatoire de FARM, 10 ont atteint la cible de financement décidé par les États africains à Maputo.  En 2003 au Mozambique, ces derniers s’étaient engagés à travers le Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA), à consacrer au moins 10 % des budgets publics au secteur agricole afin de lui insuffler un nouvel élan et ainsi stimuler sa croissance à 6 % par année. Ce seuil de 10 % est depuis devenu le critère de performance par excellence du soutien public des agricultures africaines. Cependant, ces bons résultats sont attribuables à une partie trop importante des dépenses rurales qui ne soutiennent pas directement le secteur. Quand on considère uniquement les dépenses spécifiques à l’activité agricole, le niveau moyen de ce soutien est réduit de plus de moitié, soit de 12 % à 5 % du budget public total. En l’occurrence, l’Éthiopie devient le seul pays à respecter son engagement de Maputo.

Comme dans l’ensemble des pays à faible revenu, l’essentiel du soutien public à l’agriculture et à l’alimentation en Afrique subsaharienne est massivement orienté vers les services collectifs à l’agriculture et l’alimentation. Ces services représentent plus de 80 % du total des dépenses budgétaires agricoles mais les deux-tiers ne ciblent pas directement le secteur agricole. Il s’agit par exemple de dépenses rurales de santé, d’éducation, d’infrastructures, etc. Ces dépenses sont cependant essentielles et contribuent, de manière indirecte, au développement du secteur agricole dans la mesure où la majeure partie des populations rurales travaille dans ce secteur. Le tiers restant, orienté directement vers le secteur agricole, est composé de dépenses de formation (2% des services collectifs), de vulgarisation (2 %) ou d’infrastructures agricoles (11 %).

La part consacrée à la recherche (3 %) reste bien en deçà de l’objectif de 1 % du Produit intérieur brut agricole fixé par les accords de Malabo (0,29 % aujourd’hui). Pourtant, l’IFPRI soutenait dans son Global Food Policy Report, (2020) qu’un accroissement de la R&D agricole en Afrique subsaharienne, à hauteur de 1 % du PIB agricole, pourrait augmenter de 60 % la productivité d’ici 2050.

 

Le poids des subventions aux intrants

À la différence des pays à revenu élevé dans lesquels une grande partie des soutiens prend la forme de transferts budgétaires aux producteurs, en Afrique, ces dépenses demeurent très faibles (voir Tableau 1). Elles sont d’ailleurs affectées à plus de 90 % aux subventions à l’achat d’intrants, au détriment d’autres actions qui pourraient bénéficier tout autant, sinon plus, aux producteurs comme les subventions à la production, des soutiens aux revenus, etc. Au regard des niveaux de productivité agricole de la région, ce constat soulève de nombreuses questions quant à l’efficacité de ces subventions aux intrants (principalement des engrais) et de leurs poids dans les aides à la production.

 

Des budgets dépendants de l’aide extérieure

Si le soutien public qui va directement à l’agriculture et à l’alimentation demeure faible et concentré sur certaines mesures, il faut aussi rappeler que les budgets agricoles dépendent beaucoup de l’aide extérieure.

L’aide extérieure représente en moyenne 20 % des dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation. Toutefois, ce constat dissimule une grande disparité entre pays dans le degré de dépendance. Cette dépendance varie par exemple de 2 % pour le Ghana (2015/17) à plus de 50 % pour le Rwanda (2016/18).  En moyenne, ¾ de cette aide apportée par des donateurs extérieurs participent au financement de services collectifs pour le développement agricole, avec plus de la moitié consacrée à des dépenses rurales (éducation, santé, infrastructures…).

Il faut enfin souligner l’existence de différences dans le niveau d’exécution des budgets d’un pays à l’autre. La mise en œuvre des budgets agricoles se heurte à de nombreuses difficultés qui entravent leurs bonnes exécutions. En effet, seulement 73 % des budgets consacrés à l’agriculture et à l’alimentation sont effectivement dépensés. Le MAFAP énonce plusieurs raisons à cette situation et notamment une plus grande lenteur dans les décaissements des dépenses agricoles comparée à d’autres secteurs comme l’éducation mais aussi un non-alignement des décaissements avec les besoins du calendrier des activités agricoles.

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Le Soutien des prix du marché (SPM)

De quoi parle-t-on ?

Tel que calculé par l’OCDE, le SPM exprime la valeur monétaire du soutien des prix agricoles. Schématiquement, le SPM traduit, pour chaque produit agricole, l’écart entre le prix du marché intérieur et le prix mondial multiplié par le volume du produit. Cet écart de prix est déterminé notamment par les protections aux frontières, les réglementations sanitaires, les taxes et les coûts de transformation, d’acheminement ou encore de distribution qui touchent les produits entre la ferme et le marché de gros ou le marché de détail. Un SPM négatif signifie que les producteurs reçoivent des prix inférieurs, en moyenne, aux prix mondiaux de référence. Inversement, un SPM positif indiquera des prix payés aux producteurs supérieurs aux prix payés sur les marchés internationaux.

Suivant que le SPM est positif ou négatif, le prix perçu par le producteur est majoré ou minoré par rapport aux prix payés sur les marchés internationaux. Le SPM peut donc être considéré comme une mesure indirecte de la protection à l’importation. Plus il est positif, plus le producteur est protégé de la concurrence des produits importés. Plus il est négatif, moins il l’est. En l’état actuel de ce que propose l’Observatoire de FARM, les données sur le SPM sont incomplètes et ne couvrent pas encore les pays d’Afrique subsaharienne. De ce fait, cette analyse du SPM porte uniquement sur des pays à revenu élevé et intermédiaire (voir dans la note méthodologique la liste des pays concernés). La question du soutien des prix dans les pays africains est toutefois abordée, mais à travers un autre indicateur : le taux nominal de protection, calculé par le consortium Ag Incentives.

 

Une convergence des soutiens des prix du marché

Au cours des dernières décennies, de façon tendancielle et concomitante, le niveau du SPM s’est fortement réduit dans les pays à revenu élevé, tout en augmentant progressivement dans les pays à revenu intermédiaire. Comme l’indique le graphique, l’écart moyen entre ces deux catégories de pays s’est considérablement réduit au fil du temps et semble quasiment comblé en 2021. En effet, cet écart du SPM, exprimé en pourcentage de la valeur de la production agricole, est passé en moyenne de 15 % en 2000-2002, à seulement 2 % en 2019-2021. La baisse nette du SPM dans les pays à revenu élevé s’expliquerait d’une part, par les réformes de politiques agricoles à partir de la fin des années 1980 et d’autre part, par les contraintes consécutives à l’Accord de Marrakech sur l’agriculture, en 1994 à l’OMC. S’agissant des pays à revenu intermédiaire, ce constat pourrait signifier une volonté de conforter ou d’améliorer la sécurité alimentaire et/ou les bases d’une transformation structurelle des économies.

Toutefois, il existe de grandes disparités du SPM, notamment parmi les pays à revenu intermédiaire. Il ne faut pas perdre de vue que les évolutions par classe de revenu sont des moyennes, qui cachent d’importantes variations au sein de chaque catégorie de pays. Ainsi, le poids de certains géants agricoles de par leur intensité du soutien et la taille de leur agriculture influence la moyenne de ces catégories. C’est par exemple le cas de la Chine, du Brésil ou de l’Inde parmi les pays à revenu intermédiaire.

 

Pourquoi un SPM négatif pour certains pays à revenu intermédiaire ?

L’analyse du tableau fait remarquer cinq pays à revenu intermédiaire qui affichent des SPM négatifs : l’Argentine, l’Inde, le Kazakhstan, l’Ukraine et le Vietnam. C’est une situation qui indique que les prix payés aux producteurs dans ces pays sont inférieurs aux prix mondiaux. Cela peut s’interpréter comme un prélèvement indirect ou une taxation implicite des producteurs. Les SPM négatifs peuvent s’expliquer essentiellement par des inefficacités de marché (coûts élevés de transformation et de transport, rentes monopolistiques…), ou encore des réglementations sur la commercialisation de certaines productions (Inde) et des taxes à l’exportation (Argentine). Ces SPM négatifs donnent lieu à des transferts des producteurs vers les consommateurs et l’État (sous la forme de taxes prélevées en cas d’exportation du produit). Pour la période 2019-2021, les SPM négatifs représentaient en moyenne près de 20% de la valeur de la production agricole en Argentine et en Inde. Les producteurs de ces pays sont lourdement taxés au profit des consommateurs qui profitent d’un bas niveau des prix sur les produits de base.

 

Afrique : une agriculture relativement peu protégée

Ne disposant pas des données pour les pays africains, nous utilisons le taux nominal de protection (TNP) pour analyser le soutien des prix agricoles. Il exprime, pour chaque produit agricole, l’écart entre le prix payé au producteur et le prix à la frontière, en pourcentage du prix à la frontière. Un TNP négatif indique que le producteur est « taxé » par les politiques menées et/ ou que les protections existantes sont inefficaces.

Grâce notamment à de solides protections à l’importation, le soutien des prix agricoles est plus élevé dans les pays à revenu élevé et intermédiaire que dans les pays africains. D’ailleurs, on peut constater que le Taux nominal de protection en Afrique est resté négatif sur toute la période 2005-2018. En 2018, ce taux nominal de protection (TNP) dans les pays à revenu élevé était supérieur en moyenne de 30 points de pourcentage à celui en Afrique, contre 5 points par rapport aux pays à revenu intermédiaire. Cette évolution du TNP montre que l’agriculture africaine est relativement peu protégée et elle l’est à un degré moindre que dans les autres régions en développement (voir l’étude de FARM sur les protections à l’importation). Ce constat est d’autant plus important que les dépenses publiques à l’agriculture et à l’alimentation (DPAA) sont également beaucoup moins élevées dans les pays africains.

Ce TNP négatif signifie que les gouvernements africains protègent avant tout les consommateurs au détriment des producteurs agricoles. En effet, les États d’Afrique subsaharienne ont longtemps entretenu, à l’encontre du secteur agricole, un « biais urbain » qui s’est traduit par des droits de douane relativement faibles – la priorité étant donnée à l’alimentation des villes par des produits importés -, une taxation des produits agricoles exportés, etc. Il résulte de cette situation pour les producteurs africains une concurrence de produits importés à bas prix, de la part de pays ou de régions où la productivité agricole est considérablement plus élevée. Et ce d’autant plus qu’un certain nombre de ces pays – en particulier les États membres de l’Union européenne, les États-Unis, mais aussi l’Inde et la Chine – subventionnent fortement leur agriculture, souvent depuis longtemps, ce qui leur a d’ailleurs permis de construire des avantages comparatifs dans ce secteur. Or il existe une corrélation forte, dans les différentes régions du monde, entre la suppression du biais urbain, anti-agricole, et le niveau de développement de plusieurs pays émergents, notamment en Asie.

 

Faut-il accroître le soutien des prix agricoles en Afrique ?

Poser cette question revient à ouvrir de nouveau l’épineux débat sur la protection de l’agriculture africaine. Ce débat est particulièrement important dans le contexte de redéfinition du partenariat Afrique-Europe et de renégociation des Accords de partenariat économique (APE). De plus, le continent africain s’est engagé depuis 2018 dans la constitution d’une Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf), mise en place en janvier 2021. La création de la ZLECAf interroge le futur des relations commerciales entre les pays africains ainsi que le niveau de protection des agricultures et des filières agroalimentaires. Cette question devrait constituer un pilier essentiel de l’agenda politique de l’Union africaine à l’heure de la réaffirmation de l’objectif de souveraineté alimentaire.

Pour l’heure, le soutien à l’agriculture en Afrique est pris dans une contradiction politique. Les dépenses de soutien à l’agriculture et à l’alimentation sont supposées stimuler la productivité du secteur. Or le soutien négatif des prix agricoles efface les effets de ces dépenses et n’offre pas aux agriculteurs un climat propice à l’amélioration de la production. Ce constat soulève plus largement la question de la cohérence des politiques agricoles et commerciales.

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Le Soutien total à l’agriculture et à l’alimentation

Comprendre le soutien total

 

Petit retour en arrière : l’Observatoire de FARM s’appuie sur trois indicateurs clés pour évaluer l’engagement des États en faveur de l’agriculture et de l’alimentation. Ces indicateurs sont les dépenses publiques à l’agriculture et à l’alimentation, le soutien des prix du marché et le soutien total.

Deux grandes tendances majeures ont été relevées :

1) Les pays qui dépendent le plus de l’agriculture dépensent le moins pour soutenir leurs agriculteurs et agricultrices;

2) Les pays riches et émergents ont des politiques protectionnistes plus marquées pour soutenir les prix intérieurs face à la concurrence des produits agricoles importés, notamment par rapport aux pays africains qui sont relativement moins compétitifs.

Concentrons-nous désormais sur le soutien total qui révèle un paysage mondial dominé par les pays riches et une montée en puissance des économies émergentes. Le soutien total à l’agriculture et à l’alimentation est égal à la somme des dépenses publiques et du soutien des prix agricoles. Sur la période 2019/21, il est en moyenne deux fois plus élevé dans les pays à revenu élevé que dans les pays à revenu intermédiaire.

Les pays à revenu élevé soutiennent en moyenne leur agriculture et leur alimentation à hauteur de 29 % de la valeur de la production agricole, contre 14 % pour les pays à revenu intermédiaire. Cependant, nous ne disposons pas des données relatives aux soutiens des prix agricoles dans les pays à faible revenu pour les comparer aux autres.

 

Soutien à l’agriculture : forte baisse dans les pays à revenu élevé, hausse légère dans les pays à revenu intermédiaire

 

Le soutien total à l’agriculture et à l’alimentation dans les pays à revenu élevé a néanmoins subi une baisse importante au cours des 20 dernières années. En effet, il a été réduit de près de moitié, soit un passage de 44 % de la valeur de la production agricole en 2000 à 25 % en 2021. Cette baisse du soutien total est observée jusqu’en 2014 et reste imputable aux réformes des politiques agricoles entreprises par ces pays pour se conformer aux règles de l’Accord sur l’agriculture. Ces dernières ont été signées au terme des négociations commerciales du cycle d’Uruguay qui ont abouti à la création de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en 1994. Inversement, les pays émergents ont augmenté leur soutien à l’agriculture pour favoriser le développement de leur secteur agricole et assurer leur sécurité alimentaire.

Ces évolutions doivent cependant être considérées avec prudence, car le soutien total diminue mécaniquement lorsque les prix agricoles mondiaux augmentent, et cela même si les politiques agricoles restent inchangées. Cette prudence se justifie par le mode de calcul du soutien des prix du marché. En effet, celui-ci est calculé pour un produit agricole donné, en multipliant la quantité produite par un écart de prix.  Cet écart de prix étant lui-même obtenu à partir d’une différence entre le prix du marché intérieur et le prix mondial du produit concerné. De ce fait, toute augmentation du prix mondial du produit a pour effet mécanique de réduire la différence de ce dernier (prix mondial) avec le prix du marché intérieur et par conséquent, une réduction du soutien des prix du marché et du soutien total.

 

La fin de la convergence ?

 

 

Comme l’indique le graphique montrant l’évolution du soutien total, on observe ces dernières années un creusement de l’écart du soutien total à l’agriculture et l’alimentation entre pays à revenu élevé et intermédiaire après une longue période de convergence tendancielle. Depuis 2015, cet écart est lié à des stratégies de soutien à l’agriculture différentes. Les dépenses publiques de soutien à l’agriculture et à l’alimentation (transferts budgétaires aux producteurs ou aux consommateurs, investissements dans la recherche, les infrastructures, la formation, etc.) ont ainsi crû dans les pays à haut revenu depuis 2014. Dans les pays à revenu intermédiaire, hormis un léger accroissement de 1 % en 2020, notamment pour soutenir le secteur agricole face à la pandémie de Covid-19, le niveau de ces décaissements budgétaires est resté relativement constant sur les deux dernières décennies. L’augmentation du soutien total à l’agriculture et à l’alimentation dans ces pays est attribuable aux politiques de soutien des prix du marché comme les mesures aux frontières (les droits de douane, les subventions et taxes à l’exportation ou encore les contingentements d’importation et d’exportation) et les mesures non tarifaires (réglementations sanitaires).

Bien qu’elles soient à des niveaux différents dans les pays riches et dans les pays émergents, la majeure partie du soutien total est octroyée sous une forme de dépenses budgétaires. Ces dépenses publiques atteignent plus de 75 % du soutien total des pays à revenu élevé et représentent pas moins de 60 % dans les pays émergents.

 

Argentine et Vietnam : des soutiens négatifs

 

En règle générale, les politiques de soutien négatif visent souvent à atteindre des objectifs de sécurité alimentaire en offrant des prix bas aux consommateurs, ou à mobiliser des ressources budgétaires en collectant des recettes fiscales grâce aux taxes d’exportation sur certains produits agricoles.   Bien qu’il existe de grandes différences d’un pays à l’autre, il faut souligner que ce type de soutien caractérise certains pays à revenu intermédiaire. Cela se produit lorsque la valeur monétaire du soutien des prix agricoles est inférieure aux dépenses publiques pour l’agriculture. L’Argentine et le Vietnam en sont des exemples, avec des politiques de soutien des prix négatifs, respectivement de -20 % et -9 % de la valeur de la production agricole tandis que les dépenses publiques sont de seulement 1 % et 4 %. Ainsi, leur soutien total à l’agriculture et à l’alimentation se réduit à -19 % et -5% de la valeur de la production agricole. En d’autres termes, pour l’Argentine, cela signifie que l’État donne d’une main 1 % de la valeur de production agricole en soutien à ses agriculteurs, pour en reprendre 20 % de l’autre via des taxes à l’exportation par exemple.

L’Inde pratique également un soutien similaire à ses agriculteurs, mais à un degré moindre : elle ne retire pas plus que ce qu’elle donne. Avec des dépenses publiques et un soutien des prix du marché de 24 et – 19 % respectivement, le soutien total à l’agriculture et à l’alimentation est de 5 % de la valeur de la production agricole. Il faut toutefois préciser que l’Argentine, l’Inde et le Vietnam ont des agricultures compétitives et constituent de grands exportateurs de produits agricoles dans le monde, ce qui leur permet de pratiquer de telles politiques sans compromettre la prospérité de leurs secteurs agricoles.

 

Les États africains doivent davantage soutenir l’agriculture

 

En l’absence de données comparables pour évaluer le soutien total à l’agriculture et à l’alimentation en Afrique subsaharienne, les analyses précédentes sur le taux nominal de protection et les dépenses publiques de soutien permettent de donner une idée du soutien global à l’agriculture. Elles montrent que la faible compétitivité des filières agricoles de ces pays, combinée à une faible protection contre les importations de produits à bas prix et fortement subventionnés, réduit l’efficacité des dépenses publiques à l’agriculture, qui sont en plus insuffisantes. Pourtant, l’agriculture en Afrique manque cruellement d’investissements et de protection pour relever les nombreux défis qui la concernent. Il apparaît donc essentiel que le soutien à l’agriculture soit intensifié en Afrique, par les gouvernements avec des politiques publiques qui abordent le secteur sous l’angle plus large des chaînes de valeurs, au-delà de la production agricole. En effet, une approche systémique de l’agriculture, du champ à l’assiette avec des mesures de protection sociale incluant des stratégies en matière de nutrition, mais aussi des politiques de conservation de la biodiversité apparaît primordiale. D’autant plus que les effets du changement climatique vont peser lourdement sur les capacités du continent à produire et nourrir une population en forte croissance. Le rôle des partenaires techniques et financiers est dans ce contexte capital pour accompagner ces transformations.

Le second sommet de Dakar sur la souveraineté alimentaire et la résilience semble indiquer une volonté de redonner de l’importance à l’agriculture dans les politiques africaines, mais encore faudrait-il passer des intentions aux actes pour réaliser le potentiel agricole et alimentaire du continent.

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