Sécurité alimentaire, souveraineté alimentaire : tout comprendre
Avec la pandémie mondiale de COVID-19 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les concepts de sécurité alimentaire et de souveraineté alimentaire s’affichent partout sur la planète. Entre enjeux politiques, géopolitiques, juridiques mais aussi socio-économiques, il est essentiel de bien comprendre ces termes mais également de les différencier.
Comment définir la sécurité alimentaire ?
Le concept de sécurité alimentaire, utilisé très largement, renvoie à un objectif qui est atteint lorsque l’ensemble de la population d’un territoire a accès à la nourriture. Il y a dans sa définition-même une déconnexion forte avec le secteur agricole et la manière dont sont produites les denrées alimentaires. Cette définition est le fruit d’un consensus international issu du Sommet mondial de l’alimentation en 1996 à la FAO.
« La sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, la possibilité physique, sociale et économique de se procurer une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins et préférences alimentaires pour mener une vie saine et active ».
Chaque mot de cette définition a son importance et permet de caractériser toute la complexité de la faim. Ce n’est pas qu’une question de quantité disponible sur la planète ou de niveaux de production (la preuve, on produit assez de calories au niveau mondial pour nourrir l’ensemble de la population) mais bien un phénomène multidimensionnel qui fait appel aux capacités économiques, physiques et logistiques ainsi qu’aux déterminants culturels des individus. Une autre dimension essentielle de la sécurité alimentaire tient à la qualité nutritionnelle de ce que l’on mange. Il faut en effet avoir accès à une alimentation composée d’aliments nutritifs et sains. On peut avoir accès à suffisamment de nourriture chaque jour mais celle-ci peut être de mauvaise qualité et conduire à des risques pour la santé (maladies cardio-vasculaires, diabète, etc.). Ainsi, dans le monde, plus de 2 milliards de personnes sont en surpoids dont 700 millions sont obèses.
L’insécurité alimentaire grandit depuis 2019
Antonio Guterres – le secrétaire général des Nations unies – a déclaré que la guerre en Ukraine menace de déclencher une vague sans précédent de faim et de misère. Les difficultés pour des millions de personnes d’accéder à une alimentation saine au quotidien ne sont pas une nouveauté. Elles ont été décuplées par les effets de la guerre et, avant cela, ceux de la pandémie de COVID-19 ébranlant les piliers d’un système alimentaire mondial déjà précaire. Il faut faire preuve de vigilance et bien séparer les effets conjoncturels, dramatiques au demeurant, du conflit en Ukraine, et les caractéristiques structurelles de l’insécurité alimentaire. Cette dernière est un enjeu quotidien pour des millions de personnes, elle se pose en permanence, arme alimentaire russe ou non.
En effet, depuis 2019, 150 millions de personnes en plus sont venues grossir le nombre d’individus affectés par la faim, le portant à près de 830 millions en 2021[1], avant même la guerre en Ukraine. En 2021, selon la FAO, sur le continent africain, 1 personne sur 5 était touchée par la faim (278 millions de personnes). L’Asie est aussi un continent où le nombre de personnes en insécurité alimentaire est élevé (425 millions de personnes, 9 % de la population) ainsi que l’Amérique du Sud et les Caraïbes (56 millions, 8.6 %). Enfin, 80 % des personnes souffrant de la faim vivent dans les zones rurales et le phénomène touche principalement les petites exploitations familiales qui fournissent pourtant la plus grande partie de l’alimentation mondiale. Le lien entre sécurité alimentaire, développement agricole et prospérité dans les zones rurales est donc particulièrement fort, comme l’a rappelé la récente étude publiée par la Fondation FARM[2].
Des producteurs d’alimentation premières victimes de la faim ? Cela semble en tout point contre intuitif et demande d’aller encore plus loin dans l’analyse de la sécurité alimentaire. En effet, ce concept, dans sa définition originelle déjà complexe, passe sous silence un certain nombre de questions pourtant essentielles : qui produit la nourriture et pour qui ? comment-est-elle produite ? Avec quels modèles économiques et de redistribution ? Il s’agit là d’une différence de taille entre sécurité et souveraineté alimentaire.
Comprendre le concept de souveraineté alimentaire
S’il est aujourd’hui sur toutes les bouches, ce concept est apparu dans les années 1980 et s’est construit dans un contexte particulier en réaction au développement d’une vision globale et orientée vers les marchés de la sécurité alimentaire. En effet, en Afrique, avant les années 1980, l’objectif des pays nouvellement indépendants était de produire pour nourrir leur population et d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. Au tournant des années 1980, avec la libéralisation des échanges et l’endettement croissant des pays africains qui a conduit aux programmes d’ajustement structurel, l’objectif change : il faut produire pour disposer de devises afin d’importer les denrées ou les produits manquants sur les marchés internationaux. La sécurité alimentaire relevait alors du marché, de la libre circulation des produits et de la spécialisation des systèmes de production.
En 1996, lors du Sommet mondial de l’alimentation organisé à Rome, la Via Campesina (mouvement paysan international) a introduit une définition de la souveraineté alimentaire :
« La souveraineté alimentaire est le droit de chaque pays de maintenir et de développer sa propre capacité à produire son alimentation, facteur essentiel de la sécurité alimentaire au niveau national et communautaire, tout en respectant la diversité culturelle et agricole ».
Puis, les mouvements sociaux ont énoncé un ensemble de principes et de leviers sur lesquels il faut agir pour garantir la souveraineté alimentaire[3] : l’approche par les droits[4], la réforme agraire et l’accès aux financements, la protection des ressources naturelles, des méthodes durables de production, la réorganisation du commerce alimentaire, la remise en cause de la « globalisation de la faim », le contrôle de l’action des firmes multinationales, la paix sociale, le « contrôle démocratique », etc.
Aujourd’hui, comme dans les années 1990, l’utilisation de la notion de « souveraineté » constitue une relecture de la question agricole et alimentaire. Elle interroge les cadres normatifs et commerciaux qui avaient conduit à la dépolitisation de l’enjeu alimentaire par le rôle prépondérant donné au marché. Sa réappropriation, aujourd’hui tous azimut, témoigne d’un sentiment de perte de contrôle (dépendance à l’extérieur pour l’alimentation humaine/animale ou pour les intrants, etc.) et de capacité de choix sur les modèles de production et de consommation (normes et clauses miroirs, gestion des ressources naturelles, etc.). Elle marque aussi une opposition forte au fonctionnement actuel de la mondialisation et des traités de libre-échange ainsi qu’un souhait de rompre avec des politiques agricoles et commerciales jugées néfastes pour le revenu des producteurs, la sécurité alimentaire et l’environnement. De plus, dans sa définition même, le terme de souveraineté renvoie au rôle de l’Etat[5] et à son pouvoir. L’utilisation du terme, pour de multiples secteurs de l’économie, apparaît aujourd’hui comme une critique d’un Etat qui s’est trop désinvesti de ces sujets essentiels que sont la sécurité alimentaire, énergétique ou sanitaire (masques et médicaments). Cela témoigne d’une demande d’Etat, d’intervention, voire de régulation, mais aussi d’une forme d’action publique concertée qui associe les producteurs, ici agricoles, et les citoyens à l’élaboration des politiques publiques.
Souveraineté et autosuffisance alimentaire : quelle différence ?
Dans le débat sur la souveraineté alimentaire, certaines personnes se demandent si on peut atteindre l’autonomie alimentaire. Attention aux pièges. Il ne faut pas confondre la souveraineté avec l’autonomie ou l’autosuffisance. La souveraineté induit une capacité stratégique des acteurs de connaître et gérer leur dépendance en mettant en œuvre des politiques adaptées. L’autonomie désigne la capacité à ne pas dépendre d’autrui, à évoluer indépendamment des autres, ce qui, à l’heure de problématiques communes comme le réchauffement climatique, n’a que très peu de sens. L’autosuffisance, ou l’autarcie, est une situation dans laquelle se trouve un pays ou un individu dont les ressources propres sont suffisantes pour répondre à ses besoins. A l’heure de la mondialisation des échanges, l’autonomie ou l’autosuffisance alimentaire paraissent utopiques, à moins d’une révolution copernicienne de nos modes de vie. Un nombre très limité de pays ou de territoires sont capables de produire de tout et tout le temps, tant les systèmes alimentaires se sont, fortement standardisés, déterritorialisés et dé-temporalisés au cours des dernières décennies. Sommes-nous-prêts à nous passer du café matinal, de chocolat dans les viennoiseries ou d’avocats dans le guacamole ?
Ne nous y trompons pas, la souveraineté alimentaire n’exclut pas le commerce ni les échanges. Ils peuvent constituer un outil pour atteindre la sécurité alimentaire. La souveraineté alimentaire serait d’ailleurs, pour ses défenseurs, largement compatible avec la mondialisation, à condition que celle-ci soit guidée avant tout par le bien être des peuples (producteurs et consommateurs) et la protection des ressources naturelles. Une politique de souveraineté alimentaire implique donc une triple stratégie, pour ce qui peut être produit et consommé sur place, ce qui ne peut pas l’être (en sécurisant les flux et en diversifiant les sources d’approvisionnements) et ce dont d’autres peuvent dépendre pour leur sécurité alimentaire (exportations).
Le mirage du tout local
En outre, la consommation locale, face aux chaînes alimentaires mondialisées, est souvent présentée comme un moyen d’atteindre la souveraineté alimentaire et de limiter l’emprunte carbone individuelle. Là aussi, il ne faut pas tout confondre. Encourager la consommation locale est tout à fait vertueux et permet de soutenir les producteurs, le développement et la résilience des territoires et une répartition plus juste de la valeur ajoutée par la limitation des intermédiaires. Manger local n’est cependant que marginalement lié à la durabilité écologique de l’alimentation. Au niveau mondial, le transport des denrées alimentaires ne représenterait que 5 % de l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre du système alimentaire mondial selon un article paru dans Nature Food[6].
En France le transport des denrées compte pour 13,5 % des émissions de gaz à effet de serre de notre alimentation[7]. S’il est important, c’est plutôt le mode de production qui pèse le plus lourd dans le bilan carbone de nos assiettes. La solution se trouve dans une redéfinition de nos pratiques alimentaires avec une consommation de denrées de saison, locales ET produites avec des méthodes durables et rémunératrices des producteurs. Face à la précarité alimentaire et à l’inflation l’équation n’est pas simple, mais c’est un autre débat.
Souveraineté alimentaire : une politique du ventre[8] ?
Confondre la souveraineté alimentaire avec l’autonomie, l’autosuffisance ou le localisme présente le risque d’une instrumentalisation politique des notions liées à l’alimentation. La mobilisation du concept sert parfois de socle idéologique au repli sur soi, sur son assiette ou sur son territoire, à la satisfaction de ses besoins ou de ceux de sa communauté. Ce repli se ferait pourtant au détriment de la coopération et d’une compréhension collective des interdépendances entre les peuples. Les défis de la faim, du changement climatique et de la prospérité sont en effet des enjeux communs qui appellent des réponses concertées, co-construites et systémiques à de multiples échelles.
Sécurité et souveraineté alimentaire sont deux notions qu’il faut différencier. De manière schématique, la sécurité alimentaire est un état de fait – celui d’avoir assez de nourriture de qualité – et la souveraineté alimentaire interroge les moyens pour y parvenir et plus spécifiquement les politiques mises en œuvre. Le débat actuel montre une chose : ces deux notions, et la peur de manquer qu’elles sous-tendent, sont globales et ne sont plus, dans les représentations populaires, l’apanage des pays dits en développement. Après la pandémie et la guerre en Ukraine, ce sont maintenant les canicules et la sècheresse qui poussent les médias généralistes et les réseaux sociaux à s’interroger sur notre capacité à nous nourrir. Va-t-on cet hiver, en France et en Europe manquer de lait, de légumes ou de fruits ? Et au niveau mondial ? Jusqu’où ira la déstabilisation sociopolitique et géopolitique que causera l’aggravation de l’insécurité alimentaire ?
[1] FAO, IFAD, WFP, UNICEF et WHO, The state of food security and nutrition in the world: Repurposing food and agricultural policies to make healthy diets more affordable, 2022.
[2] Voir à ce sujet l’étude coordonnée par la Fondation FARM et la Fondation AVRIL, ÉTUDE – Les politiques publiques en faveur des filières agricoles en Afrique – Fondation FARM (fondation-farm.org)
[3] Voir les approfondissements successifs de la définition et notamment la déclaration du Forum pour la souveraineté alimentaire de Nyeleni en février 2007 au Mali.
[4] L’approche par les droits est essentielle dans la définition de la souveraineté alimentaire. Elle est d’ailleurs un élément juridique dans la constitution de certains pays, comme dans le texte constitutionnel népalais de 2015 qui consacre la dimension de justice sociale attachée à la sécurité alimentaire (« chaque citoyen a le droit d’être protégé contre une éventuelle pénurie alimentaire qui pourrait menacer son existence (…) chaque citoyen a le droit à la souveraineté alimentaire prévue par la loi »).
[5] Jean Bodin au XVIème siècle définit la souveraineté comme « le pouvoir de commander et de contraindre sans être commandé ni contraint par qui que ce soit sur la Terre ».
[6] Crippa Monica, et al. ” Food systems are responsible for a third of global anthropogenic GHG emissions”, Nature Food (2021). https://www.nature.com/articles/s43016-021-00225-9
[7] Barbier Carine, Couturier Christian, Pourouchottamin Prabodh, Cayla Jean-Michel, Sylvestre Marie, Pharabod Ivan, 2019, Empreinte énergétique et carbone de l’alimentation en France / De la production à la consommation, Club Ingénierie Prospective Energie et Environnement, IDDRI, ADEME, Collection Expertises, p. 22.
[8] Concept défini par Jean-François Bayart en 1990 dans L’Etat en Afrique, la politique du ventre.
9 commentaires sur “Sécurité alimentaire, souveraineté alimentaire : tout comprendre”
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Merci pour cet article très didactique qui bénéficierait d’un élargissement pour prendre en compte les objectifs du développement durable.
Ainsi, la définition de la sécurité alimentaire n’est plus limitée aux 4 piliers indiqués dans l’encadré. Le CSA a fort pertnament élargi le concept aux dimensions qualitative, culturelle, environnementale et contextuelle. Selon le CSA (Comité de la sécurité alimentaire mondiale, qui regroupe des États, des organisations intergouvernementales et des associations) et qui constitue aujourd’hui l’institution de référence au plan international : « La sécurité alimentaire et nutritionnelle existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique, social et économique à une nourriture saine dont la quantité consommée et la qualité sont suffisantes pour satisfaire les besoins énergétiques et les préférences alimentaires des personnes, et dont les bienfaits sont renforcés par un environnement dans lequel l’assainissement, les services de santé et les pratiques de soins sont adéquats, le tout permettant une vie saine et active. » (définition provisoire, CSA, 2012).
Concernant la souveraineté alimentaire, les dimensions mentionnées ci-dessus qui constituent des critères du développement durable sont également désormais prises en compte. Cf. https://www.academie-agriculture.fr/sites/default/files/publications/encyclopedie/final_10.02.q03_def_souverainete_alim.pdf
Bonjour,
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt cet article qui traite de la sécurité alimentaire et de la souveraineté alimentaire. Le développement qui en est fait fait est digne d’intérêt. Seulement, je trouve que les contenus donnés aux concepts me semblent un peu trop extrêmes. C’est ce qui a conduit à affirmer par exemple que “A l’heure de la mondialisation des échanges, l’autonomie ou l’autosuffisance alimentaire paraissent utopiques”. L’autosuffisance alimentaire n’est pas une utopie, tout comme la souveraineté alimentaire. Pour ma part, je pense que ces concepts demeurent importants pour le développement durable des nations (nations développées et sous-développées), même dans le contexte actuel de la mondialisation. L’autosuffisance alimentaire ne suppose pas l’autarcie. Car, ceci est déjà rejeté par l’Economiste classique David RICARDO depuis des siècles. Les échanges entre pays sont obligatoires, quel que soit le type de pays. De plus, la mondialisation impose à toutes les nations de coopérer. Cette coopération peut se faire volontairement comme cela peut s’imposer à cause de l’évolution des technologies de l’information et de la communication notamment. Ceci dit, il s’agit de prendre les concepts “sécurité alimentaire” et “souveraineté alimentaire” dans le sens de leur nécessité pour une vie acceptable et si possible décente des populations d’une nation. Ainsi, on ne peut parler de sécurité alimentaire lorsque l’on dépend entièrement de l’exportation pour son alimentation. La sécurité alimentaire suppose nécessairement que la nation produise une part majoritaire de son besoin alimentaire (de base). Cela peut se mesurer par exemple par le taux de dépendance de l’exportation, qui doit être supérieur à 50%. L’autre question qui se pose pour que cette volonté de produire dure dans le temps, c’est qui est propriétaire des ressources (inputs) qui servent à cette production ? C’est là où la question de souveraineté alimentaire trouve toute sa place. Puisque, si la nation produit sur la base de ressources entièrement venant d’autres nations, elle n’est pas souveraine. Car, elle ne peut décider volontairement de produire une quantité de ses aliments de base à un moment voulu. C’est pourquoi la souveraineté devrait faire référence au taux de dépendance des facteurs de production (inputs). Ici aussi, il faut que le taux de dépendance soit supérieur à 50%. Si ces deux conditions sont remplies, la nation est à l’abri d’une chute brutale de la disponibilité alimentaire liée par exemple aux problèmes venant des autres nations qui lui fournissent les matières premières. Le problème actuel de la fourniture de gaz domestique en Afrique illustre bien ce besoin de souveraineté alimentaire avec la présente guerre russo-ukrainienne.
En somme, les concepts “sécurité alimentaire” et “souveraineté alimentaire” demeurent pertinents, sauf qu’il faut bien les opérationnaliser pour ne pas les confondre ni à la simple disponibilité de nourritures, venant par exemple entièrement de l’exportation pour la sécurité alimentaire, ni à l’autarcie pour la souveraineté alimentaire.
Merci.
Chers Tous,
Veuillez lire dans mon commentaire ci-dessus “Ainsi, on ne peut parler de sécurité alimentaire lorsque l’on dépend entièrement de l’importation pour son alimentation” au lieu de “Ainsi, on ne peut parler de sécurité alimentaire lorsque l’on dépend entièrement de l’exportation pour son alimentation”.
Je peut résumer l’article comme suit :
– sécurité alimentaire = disponibilité alimentaire (quantité et qualité suffisantes d’aliments, au niveau national et au niveau local) + accessibilité alimentaire (physique, économique) ;
– souveraineté alimentaire = capacité d’un Etat a diriger sa politique alimentaire (production, conservation, distribution, etc.) ;
– autosuffisance alimentaire = capacité à produire les aliments dont on a besoin.
Toutes mes excuses pour les fautes. J’avais tenu à faire un commentaire alors que j’étais par une réunion au bureau. Veuillez lire “taux de dépendance de l’extérieur” au lieu de “taux de dépendance de l’exportation”.
Merci pour les rappels conceptuels. Notons quand même que la souveraineté alimentaire n’induit pas forcément la sécurité alimentaire et nutritionnelle. C’est deux choses qu’il faut concilier dans le contexte actuel et surtout pour nos pays du Sud. La question de fond est “comment le faire” dans un contexte de crises récurrentes? en tout cas, c’est certains, les différents enjeux notés dans l’article montre que le chemin est encore long pour une réponse mondiale et même africaine.
J’ai bien envie de reprendre le commentaire que j’ai fait plus haut, car cela contient trop de fautes, du fait que j’étais pris par une réunion, alors que je tenais à contribuer. Voici exactement, ce que je voulais dire:
[ J’ai lu avec beaucoup d’intérêt cet article qui traite de la sécurité alimentaire et de la souveraineté alimentaire. Le développement qui en est fait est digne d’intérêt. Seulement, je trouve que les contenus donnés aux concepts me semblent un peu trop extrêmes. C’est ce qui a conduit à affirmer par exemple que “A l’heure de la mondialisation des échanges, l’autonomie ou l’autosuffisance alimentaire paraissent utopiques”. L’autosuffisance alimentaire n’est pas une utopie, tout comme la souveraineté alimentaire. Pour ma part, ces concepts demeurent importants pour le développement durable des nations (nations développées et sous-développées), même dans le contexte actuel de la mondialisation. L’autosuffisance alimentaire ne suppose pas l’autarcie. Car, ceci est déjà rejeté par l’Economiste classique David RICARDO depuis des siècles. Les échanges entre pays sont obligatoires, quel que soit le type de pays. De plus, la mondialisation impose à toutes les nations de coopérer. Cette coopération peut se faire volontairement tout comme cela peut s’imposer à cause de l’évolution des technologies de l’information et de la communication notamment. Ceci dit, il s’agit de prendre les concepts “sécurité alimentaire” et “souveraineté alimentaire” dans le sens de leur nécessité pour une vie acceptable et, si possible, décente des populations d’une nation. Ainsi, on ne peut parler de sécurité alimentaire lorsque l’on dépend entièrement de l’importation pour son alimentation. La sécurité alimentaire suppose nécessairement que la nation produise une part importante de son besoin alimentaire (de base). Cela peut se mesurer par exemple par le taux de dépendance des importations (TDI), c’est-à-dire les importations des biens de consommation, qui doit être inférieur à 50%. L’autre question qui se pose pour que cette volonté de produire dure dans le temps, c’est de savoir qui est propriétaire des ressources (inputs) qui servent à cette production ? C’est là où la question de souveraineté alimentaire trouve toute sa place. Puisque, si la nation produit sur la base de ressources entièrement venant d’autres nations, elle n’est pas souveraine. Car, elle ne peut décider volontairement de produire une quantité de ses aliments de base à un moment voulu. C’est pourquoi la souveraineté devrait faire référence au taux de dépendance des importations des facteurs de production (inputs). Ici aussi, il faut que le taux de dépendance soit aussi inférieur à 50%. Si ces deux conditions sont remplies, la nation est à l’abri d’une chute brutale de la disponibilité alimentaire liée par exemple aux problèmes venant des autres nations qui lui fournissent les matières premières. Le problème actuel de pénurie de la fourniture du gaz domestique en Afrique illustre bien ce besoin de souveraineté alimentaire avec la présente guerre russo-ukrainienne.
En somme, les concepts “sécurité alimentaire” et “souveraineté alimentaire” demeurent pertinents, sauf qu’il faut bien les opérationnaliser pour ne pas les confondre ni à la simple disponibilité de nourritures, provenant par exemple entièrement de l’importation, pour assurer la sécurité alimentaire, ni à l’autarcie pour assurer la souveraineté alimentaire.
Merci beaucoup. ]
La notion de sécurité alimentaire a été soutenue par les partisans du laissez-faire convaincus par la théorie des avantages comparatifs. Celle-ci a ravagé les efforts de développement des pays pauvres, qui acceptent pourtant qu’elle soit appliquée notamment dans les accords de partenariat économique (APE) entre l’Union européenne et l’Afrique.
Le laissez-faire favorise le partenaire le plus fort et s’oppose au développement économique du plus faible, notamment en période de récession (cf. J.M. Keynes “La fin du laissez-faire”, Payot 2017). On ne connaît pas d’exemple de “décollage” économique sans protectionnisme. Il est donc heureux – et il convient de le souligner – que la notion de souveraineté l’emporte sur celle de sécurité alimentaire.
Lors des négociations de la Politique agricole commune (PAC) il y a soixante ans, l’Union européenne s’est elle-même vu imposer les principes du libre échange par les Etats-Unis désireux d’exporter son soja. La dépendance qui en a résulté (aujourd’hui à l’égard du Brésil) est devenue aujourd’hui une préoccupation prioritaire des dirigeants européens. Las, les obstacles à la réforme ne se trouvent plus seulement chez les partenaires du commerce international mais aussi dans l’industrie que ce commerce a engendré à l’intérieur de l’Union (cf. tribune d’André Pochon dans le journal le Télégramme 13 sept 2022 sur la dépendance européenne en protéines).
https://lenational.org/post_article.php?tri=478
En Zambie par exemple, selon les écrits de Ziegler, le 12 octobre 2002 le président zambien criait scandale après la distribution des dizaines de milliers de tonnes de maïs dans des zones sinistrées, distribution réalisée par le Programme alimentaire mondiale (PAM). Une grande partie de ces aliments était le don du gouvernement américain. Il s’agissait pratiquement des grains génétiquement modifiés. Le président zambien avait même parlé de « la nourriture empoisonnée ». En revanche, le PAM se trouvait dans l’obligation de renoncer à la distribution du surplus des produits américains, et s’était obligé de faire moudre le maïs avant sa distribution. C’était quoi le problème ?