Pologne/Ukraine : comprendre le blocage-déblocage des céréales
Gronde des agriculteurs, colère de la Commission européenne, accord d’urgence pour le transit des cargaisons… les derniers jours ont été plus que mouvementés en Europe centrale. Au coeur des enjeux : les céréales ukrainiennes. Décryptage.
Depuis près d’un an, les voisins européens de l’Ukraine – la Pologne, la Hongrie et la Slovaquie notamment – voient affluer des millions de tonnes de blé et de maïs. Selon une publication réalisée par la Fondation FARM il y a quelques semaines, 50 % du blé ukrainien a été exporté vers l’Union européenne depuis 2022, dont plus de la moitié à destination de la Pologne, de la Hongrie et de la Roumanie.
La Pologne en tête de file
Problème : les silos finissent par déborder. Et la Pologne, elle-même importante productrice, fait face à un surplus de 8 à 9 millions de tonnes de céréales. Les agriculteurs constatent de fait un effondrement des prix, la tonne de blé au niveau national étant passée de 390 euros à 190 euros. Pour apaiser les tensions, le gouvernement polonais a donc décidé de frapper fort en annonçant le 15 avril dernier la fermeture de ses frontières aux céréales jusqu’à fin juin.
Confrontées à des problèmes similaires, la Slovaquie et la Hongrie en ont fait de même le week-end dernier. Ce mercredi 19 avril, c’est au tour de la Bulgarie d’annoncer la fermeture de ses frontières. Cette mesure qui se généralise n’a pas manqué de faire réagir la Commission européenne, la jugeant « inacceptable ». « Il est important de souligner que la politique commerciale relève de la compétence exclusive de l’UE et que les actions unilatérales ne sont pas acceptables », a précisé Miriam Garcia Ferrer, la porte-parole de l’exécutif européen, le 17 avril dernier.
Un accord provisoire
Pour apaiser les tensions, la Commission a annoncé le 19 avril le déblocage d’un deuxième paquet d’aides de 100 millions pour les agriculteurs polonais, slovaques et hongrois, comme ces derniers le réclament depuis plusieurs semaines. De son côté, la Pologne a annoncé le 18 avril au soir la conclusion d’un accord avec l’Ukraine sur la reprise, à partir du 21 avril 2023, du seul transit de cargaisons de céréales ukrainiennes sur son territoire. Robert Telus, le ministre de l’Agriculture polonais, a précisé que ces cargaisons en transit « seront scellées et surveillées ».
Un mois de juin à venir sous tension
Les prochaines semaines s’annoncent complexes. Avec une grande interrogation : les céréales vont-elles toujours pouvoir sortir d’Ukraine ?
Depuis le début de la guerre, la Pologne, la Roumanie et la Bulgarie ont joué un rôle déterminant dans la sortie de ces céréales. Mais elles n’ont pas pour autant réussi à réexporter tous ces volumes – comme le montre notre dernier article (« Blé et guerre en Ukraine : quels impacts pour l’Afrique ? »), ce qui n’est pas sans conséquences sur les producteurs d’Europe centrale.
L’Europe de l’Ouest voudra-t-elle prendre le relais ? Mais quel pays va se positionner pour le faire compte tenu des enjeux économiques et logistiques que cela représente ?
L’autre point de tension se joue du côté de la mer Noire alors que les récoltes de blé vont bientôt débuter. Établi il y a huit mois pour permettre la sortie des céréales ukrainiennes par bateaux, le corridor maritime a été reconduit jusqu’au 18 mai. Mais la Russie laisse toujours planer le doute sur la pérennité du dispositif. Avec la crise de ces derniers jours sur les voies terrestres, les incertitudes sont désormais sur les deux fronts : en mer et sur terre.