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Synthèse de la conférence MedClimat2024 “Une Méditerranée en mouvement : nourrir et s’adapter face au changement climatique”

Publié le 18 février 2025
par Fondation FARM, CIHEAM, iReMMO Alumni
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La Méditerranée est confrontée à des défis climatiques et environnementaux majeurs qui menacent son agriculture et sa sécurité alimentaire. Face à cette urgence, la Fondation FARM, dans le cadre du projet AACC-Med, le CIHEAM et l’iReMMO Alumni ont organisé la conférence MedClimat2024, le 17 décembre 2024 à l’Académie du Climat à Paris. Cette conférence a réuni des experts, des acteurs du secteur agricole et des décideurs afin de discuter des leviers d’adaptation et de coopération nécessaires. Cette synthèse, fruit des échanges et des réflexions menés lors de cette demi-journée, met en lumière les enjeux cruciaux auxquels la région est confrontée et les pistes d’action pour construire un avenir agricole durable et résilient. Découvrez les points saillants de cette rencontre essentielle pour l’avenir de la Méditerranée.

 

 

« Il est important de positionner les sujets d’alimentation durable, d’adaptation au changement climatique, de sécurité alimentaire au cœur d’un agenda positif de coopération en Méditerranée. […] Nous avons besoin de nous rassembler autour de sujets fédérateurs. ». C’est par ces mots engageants que S.E. Karim Amellal, Ambassadeur de France et Délégué interministériel à la Méditerranée a ouvert la Conférence MedClimat2024, aux côtés de M. Teodoro Miano, Secrétaire Général du CIHEAM et de Mme Catherine Migault, Directrice de la Fondation FARM. Tous trois ont rappelé les enjeux de sécurité alimentaire propres au bassin méditerranéen et ont exprimé l’urgence à renforcer la coopération entre ces pays. La région se réchauffe en moyenne 20 % plus rapidement que le reste de la planète, il ne s’agit plus uniquement de ralentir le changement climatique mais bien d’adapter dès aujourd’hui nos agricultures aux nouvelles conditions climatiques.

 

Produire sous contraintes : la Méditerranée face au changement climatique

 

 

Dans une keynote introductive, Serge Zaka, agroclimatologue et président d’AgroClimat2050 a ainsi rappelé les variations climatiques actuelles et futures en Méditerranée ainsi que les impacts qu’elles auront sur les agricultures. Nous assistons par exemple ces dernières années, sur le bassin méditerranéen, à des sécheresses plus fréquentes et plus intenses. Ces modifications impliquent des variations des aires de répartition des cultures, telles que présentées dans le livre blanc L’urgence de l’adaptation réalisé dans le cadre du projet AACC-Med, coordonné par la Fondation FARM. La culture de l’olivier pourrait devenir impossible en Tunisie d’ici 2100, tandis que les terres viticoles verront leur surface se réduire en Méditerranée, et pourraient même disparaître sur le nord de l’Afrique, l’Andalousie, une partie de l’Italie et de la Grèce. Ces conséquences particulièrement inquiétantes questionnent aussi bien les pratiques agricoles et alimentaires (voir le livre du CIHEAM Sustainable Food Systems: Change of Route in the Mediterranean), la sécurité alimentaire méditerranéenne et avec elle les processus de compétition ou de coopération.

 

Produire durablement : quels futurs pour les systèmes alimentaires méditerranéens ?

 

 

La première table ronde, “Produire sous contraintes : la Méditerranée face au changement climatique”, modérée par Précila Rambhunjun, responsable de projets climat-résilience à la Fondation FARM, a réuni Lydia Merrouche, directrice et fondatrice de Fossoul et consultante en agriculture urbaine (Algérie, France), Paul Reder, éleveur et viticulteur dans l’Hérault (France) et membre d’un CIVAM (Centre d’initiatives pour valoriser l’agriculture et le milieu rural) et Vanessa Riou, directrice de Farming Spirit et membre du Conseil National pour la Résilience Alimentaire (CNRA) (France).

Cette table ronde visait à approfondir les défis auxquels sont confrontés les producteurs dans cet espace pluri-contraint qu’est la Méditerranée. Vanessa Riou et Paul Reder ont évoqué les tensions que vit le secteur viticole aussi bien en raison de sécheresses et vagues de chaleur croissantes que d’épisodes de gel tardifs. Ces nouvelles conditions provoquent des modifications des propriétés organoleptiques des vins mais également des changements dans les habitudes de récoltes et dans le travail œnologique comme le rappelait Vanessa Riou. Face à un contexte pédoclimatique difficile, Paul Reder confiait avoir dû restructurer sa ferme, contraint d’abandonner certaines parcelles par manque d’eau et d’opter pour une diversification avec réintroduction de l’élevage depuis 2007. De l’autre côté de la Méditerranée, Lydia Merrouche a présenté sa propre expérience en agriculture biologique et la revalorisation de cette production en circuits courts en Algérie.  Pour faire face au manque d’eau, Lydia Merrouche a présenté la manière dont elle “éduque” ses semences pour les rendre plus résistantes au stress hydrique. Son expérience réussie en Algérie lui a permis de créer une ferme sur les toits de Marseille.

Les deux agricultrices ont souligné que les questions de genre sont au cœur des transformations nécessaires du secteur. Certains outils agricoles ne sont toujours pas adaptés pour les femmes, c’est le cas par exemple des exosquelettes utilisés dans les vignobles dont l’ergonomie ne prend pas en compte la morphologie féminine (ex : la poitrine). La question de la pénibilité du travail agricole accentuée par le changement climatique, en particulier par la hausse de température, a également été soulevée.

Nos intervenants ont convergé sur l’importance d’améliorer les formations des agriculteurs en y intégrant davantage les enjeux de durabilité et d’adaptation au changement climatique. Si de nombreuses solutions techniques existent, il est nécessaire d’améliorer leur diffusion par la formation et la coopération. Paul Reder réalise ce travail d’échanges et de réflexions à l’échelle d’un CIVAM qui réunit des agriculteurs pour travailler de manière collective à la transition agroécologique. Tous les trois ont également soulevé les problèmes de financement et de rémunération des producteurs dans un secteur qui fait face à une perte d’attractivité croissante et à un vieillissement de ses actifs. À ce titre, l’importance de l’action publique a été soulevée, avec la nécessité d’une vision plus prospective et planificatrice. Des solutions telles que les micro-financements ou la reprise à plusieurs associés d’exploitations historiquement en monoculture et leur conversion à la diversification ont également été abordées par le panel. Enfin, Vanessa Riou a mis en avant l’importance d’éduquer et de diriger le consommateur vers une alimentation issue de productions plus adaptées et résilientes aux climats futurs de chaque région. Elle a rappelé à cet égard que le CNRA œuvre pour accompagner l’ensemble des acteurs de la chaîne à travers plusieurs outils pédagogiques. Une vision systémique du champ à l’assiette que partage Lydia Merrouche qui confectionne des recettes basées sur des produits bio et de saison issus de sa ferme. Cette discussion a abouti à la question de la juste rémunération du producteur qui doit faire face à des coûts de production et des risques climatiques en croissance.

 

Entre compétitions et tensions, quels leviers pour la coopération ?

 

 

La seconde table ronde, “Entre compétitions et tensions, quels leviers pour la coopération ?”, modérée par Claire Maréchal, chargée de projet au CIHEAM, a réuni Mouin Hamze, ancien directeur du CNRS-Liban et coordinateur du réseau BEANS Meta Network, Bruno Lepoivre, directeur du programme net zéro et des engagements sociaux de Pacifica, Riad Balaghi, chargé de mission à INRA Maroc et directeur de projets à l’initiative AAA, et Guénaël le Guilloux, directeur général d’AGROPOL.

L’objectif de cette table ronde était d’esquisser la manière dont les contraintes actuelles (environnementales, économiques, sociales et géopolitiques) impactent l’espace d’échange méditerranéen et d’apporter des éléments de réponse sur la manière de recréer de la coopération entre les différentes parties prenantes des systèmes alimentaires. Les intervenants ont mis en avant le succès de projets de coopération valorisant les systèmes alimentaires méditerranéens malgré les tensions qui divisent la région. C’est le cas notamment du projet BEANS Meta Network présenté par Mouin Hamze qui promeut les légumineuses comme produit de la diète méditerranéenne, à la fois bon pour la santé et l’environnement. Cette organisation met en lien les différents réseaux existants allant des producteurs, distributeurs, instituts de recherche et organes institutionnels travaillant sur les thématiques de sécurité alimentaire en Méditerranée. Guénaël le Guilloux a présenté les projets portés par AGROPOL, association oeuvrant pour la coopération internationale de la filière française des oléo-protéagineux. Grâce à des études de terrain et la création de partenariats entre les différents acteurs de la filière, son développement se fait en prenant en compte les enjeux et besoins de chaque partie-prenante. A travers des échanges inter-rives, AGROPOL favorise le partage d’expériences et de bonnes pratiques entre les différentes rives méditerranéennes.

Bruno Lepoivre a également abordé les enjeux de l’assurance dans le secteur agricole. Si les agriculteurs sont de plus en plus assurés dans les pays de la rive nord de la Méditerranée, c’est moins le cas sur les rives est et sud. Le coût élevé des assurances et le manque de moyen d’une partie importante des agriculteurs constituent un frein à leur adhésion. Néanmoins, Bruno Lepoivre nous rappelle l’importance de l’assurance pour les agriculteurs, d’abord pour assurer leurs récoltes, de plus en plus vulnérables aux effets du changement climatique, mais également pour faciliter l’accès aux crédits bancaires, parfois conditionnés à la souscription à une assurance agricole. La durabilité de ce secteur de l’assurance face à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques a été soulevée par Bruno Lepoivre, qui précise que des Partenariats Public-Privé deviennent nécessaires pour permettre le portage du risque et la diffusion au plus grand nombre. Dans l’espace méditerranéen, l’assurance pourrait donc également apparaître comme un levier de coopération entre les acteurs de l’agriculture (producteurs, coopératives, industriels, pouvoirs publics et assureurs). En conclusion de cette table ronde, Mouin Hamze et Riad Balaghi ont évoqué l’importance de la coopération scientifique entre les pays du bassin, des échanges de savoir-faire et de semences plus résistantes. Riad Balaghi a mis en avant la revalorisation de savoir-faire traditionnels comme stratégie d’adaptation au changement climatique tel que promue au sein des projets d’adaptation portés par l’Initiative AAA.

 

Une Méditerranée qui s’engage

 

 

Matthieu Brun, directeur scientifique à la Fondation FARM et chercheur associé à Sciences Po Bordeaux et l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient (iReMMO) et Yasmine Seghirate, administratrice au CIHEAM ont conclu ensemble cette demi-journée de réflexion. Ils ont ainsi rappelé l’importance de la coopération, la mise en valeur de la jeunesse méditerranéenne porteuse d’idées innovantes et sensible aux enjeux de développement durable, ainsi que la valorisation de la diète méditerranéenne bénéfique économiquement, environnementalement et pour la santé, mais aussi en tant qu’héritage culturel et identitaire du peuple méditerranéen.

 

 

La conférence MedClimat2024 a souligné l’urgence d’agir collectivement pour adapter l’agriculture méditerranéenne aux défis climatiques. Un grand merci à l’ensemble des intervenants et du public pour leur participation à ces échanges indispensables pour l’avenir des agricultures méditerranéennes. La Fondation FARM, fidèle à sa mission, s’engage activement dans cette voie à travers des projets tels que le projet AACC-Med (Adaptation de l’Agriculture au Changement Climatique en Méditerranée).

Ce projet vise notamment à identifier et à co-construire les leviers politiques et financiers pour renforcer la résilience des systèmes agricoles face aux aléas climatiques dans la région. Les résultats de la conférence MedClimat2024 viendront nourrir les prochaines étapes du projet, notamment les échanges de pratiques et stratégies d’adaptation entre les différentes rives méditerranéennes.

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