Les agricultures africaines au défi de la transformation structurelle

Publié le 17 avril 2019
par Jean-Christophe Debar, directeur de FARM
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Le premier problème des agricultures africaines n’est pas de produire plus : elles ont fait de remarquables progrès dans ce domaine (graphique). Le hic, c’est qu’elles ne sont pas assez productives. Les médiocres performances enregistrées sur ce point, que l’on considère la productivité totale des facteurs ou des indicateurs partiels (rendements des cultures, valeur ajoutée du travail agricole), ont des coûts humains et environnementaux considérables : pauvreté endémique, insécurité alimentaire, manque de compétitivité internationale, incitation à la déforestation…

De plus, elles font obstacle à la transformation structurelle de l’économie, c’est-à-dire au transfert progressif des ressources vers des activités plus rémunératrices, à savoir l’industrie et les services, selon le modèle suivi par les pays à haut revenu et les pays émergents. Historiquement, en effet, l’augmentation de la productivité agricole a été le moteur de la transformation des économies dans les autres régions. Elle a permis de réduire le prix des aliments et d’accroître les revenus dans les zones rurales – celles-ci devenant ainsi, pour les autres secteurs, à la fois un débouché pour leurs produits et un pourvoyeur de main d’œuvre – et a rendu possible l’urbanisation[1].

Pour autant, souligne FARM dans sa contribution au dernier rapport ARCADIA[2], il est clair que l’Afrique ne peut pas répliquer, à court terme, le modèle de développement suivi en Europe et aux Etats-Unis, qui s’est fondé sur un exode rural massif, même si la part de la population active africaine employée dans l’agriculture diminue. En raison de l’expansion démographique, il serait illusoire de penser que le nombre d’agriculteurs va se réduire rapidement sur le continent, alors que la surface moyenne des exploitations agricoles rétrécit, et que l’industrie et les services pourront absorber en totalité l’excédent de main d’œuvre agricole, alors qu’ils sont composés essentiellement de petites entreprises opérant de manière informelle. Pour des raisons d’efficacité comme d’équité, il serait en outre préférable que l’agriculture se développe de manière plus durable, sur le plan social – avec l’inclusion des petits agriculteurs dotés d’un potentiel commercial dans les chaînes de valeur – ainsi que sur le plan environnemental – à travers une modification des systèmes de production visant à restaurer la fertilité des sols et à s’adapter au changement climatique.

Les politiques publiques ont un rôle majeur à jouer dans cette transformation, en encourageant la recherche et la vulgarisation agricoles et en stimulant la création d’emplois en amont et en aval de l’agriculture. Il s’agit de privilégier la construction de filières, plutôt que l’accroissement de la production agricole, et de s’appuyer sur une politique intégrée de développement rural, plutôt que sur des mesures sectorielles[3]. Au-delà de l’amélioration des performances économiques, l’enjeu est de réduire les écarts de revenu entre villes et campagnes, ainsi qu’entre les territoires, pour mieux partager les fruits de la croissance et en assurer la pérennité.

Pour télécharger le rapport ARCADIA 2019, cliquer ici.

 

 

[1] Voir notamment Timmer, C. P. (2009), A World Without Agriculture: The Structural Transformation in Historical Perspective,  https://econpapers.repec.org/bookchap/aeirpbook/43120.htm

[2] Fruit d’une collaboration étroite entre Cyclope et le Policy Center for the New South, le rapport ARCADIA (Annual Report on Commodity Analytics and Dynamics in Africa) propose des analyses conjoncturelles et structurelles sur l’Afrique et les marchés mondiaux de matières premières. FARM a contribué à l’édition 2019 du rapport ARCADIA par un article sur « Les agricultures africaines au défi de la transformation structurelle ».

[3] Voir Commission européenne (2019), An Africa-Europe agenda for rural transformation. Report by the Task Force Rural Africa, https://ec.europa.eu/info/food-farming-fisheries/farming/international-cooperation/africa/eu-africa-partnership_en

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