Au fait, combien y-a-t-il d’agriculteurs en Afrique ?
Les Etats-Unis comptent 2 millions d’exploitations agricoles. L’Union européenne, 10 millions. Et l’Afrique ? On ne sait pas exactement. A cette question si simple en apparence, si déterminante pour la mise en œuvre et le suivi des politiques mises en œuvre sur le continent, il n’y a pas de réponse claire. Le chiffre qui fait référence est celui publié par la FAO en 2014, soit 51 millions de fermes dans les 42 pays d’Afrique subsaharienne ayant effectué un recensement agricole[1].
Mais l’institution onusienne soulignait elle-même, à l’époque, la fragilité de cette estimation – le dernier inventaire du Nigéria remonte par exemple à 1960. Dans un papier plus récent[2], s’appuyant sur des enquêtes de ménages, des chercheurs évaluent le nombre d’exploitations agricoles à 77 millions pour 43 pays situés au sud du Sahara. Selon une autre étude[3], il y aurait « plus de 100 millions d’exploitations familiales » dans 47 pays de la sous-région, chiffre qui exclut « les fermes commerciales (capitalistes) à grande échelle et les plantations ». Autrement dit, deux fois plus que ce qu’indique la FAO : vertige des statistiques…
Encore ces chiffres ne concernent-ils que le nombre de fermes. L’effectif de la population travaillant dans l’agriculture est beaucoup plus élevé, puisqu’il faut ajouter au chef d’exploitation les membres du ménage qui participent aux travaux des champs et les salariés agricoles. Soit au total, pour l’Afrique subsaharienne, 232 millions de personnes en 2015, selon la base de données du département américain de l’Agriculture[4]. Une estimation là encore à considérer avec précaution.
Point capital : ce nombre ne cesse d’augmenter, alors que depuis le milieu des années 2000, il diminue dans le reste du monde, à l’exception de l’Asie du Sud (graphique). Et il devrait encore progresser à moyen terme, en raison du boom démographique du continent. La baisse de la part de la population active africaine employée dans l’agriculture ne doit donc pas faire illusion, même si elle est sous-estimée[5] : la vie d’un nombre croissant d’Africains, dans les prochaines années, dépendra directement ou indirectement de l’activité agricole et des politiques y afférentes.
[1] FAO (2014), The State of Food and Agriculture 2014.
[2] Lowder, S. K., Bertini, R., Karfakis, P. et Croppenstedt (2016), Transformation in the size and distribution of farmland operated by households and other farms in select countries of sub-Saharan Africa, Invited paper presented at the 5th International Conference of the African Association of Agricultural Economists, September 23-26, 2016, Addis Ababa, Ethiopia.
[3] Moyo, S. (2016), Family farming in sub-Saharan Africa: its contribution to agriculture, food security and rural development, International Policy Centre for Inclusive Growth (IPC-IG) Working Paper No.150, November, 2016.
[4] USDA ERS, International Agricultural Productivity, www.ers.usda.gov
[5] Selon la Banque mondiale, la part de la population active travaillant dans l’agriculture, la pêche et la forêt, en Afrique subsaharienne, est tombée de 67 % en 1991 à 57 % en 2017. Dans plusieurs pays de la sous-région, la baisse est sensiblement plus forte quand on exprime les emplois en équivalent à temps plein [Yeboah, F. K. et Jayne, T. S. (2017), Africa’s Evolving Employment Trend: Implications for Economic Transformation, Volume 14 Issue 1, Africagrowth Agenda Journal, 2017 Africagrowth Institute].