#SIA 2025 - Table ronde "S'adapter au changement climatique : Comment accompagner les transformations des systèmes alimentaires en Méditerranée ?"
Dans le cadre du projet AACC-Med, la Fondation FARM a profité du Salon de l’Agriculture de Paris pour organiser une table ronde consacrée aux défis de l’adaptation des agriculteurs méditerranéens. L’événement a permis d’examiner des pistes novatrices en matière de financement et d’assurance, dans le but de mieux accompagner les acteurs les plus fragiles et de répondre à leurs préoccupations.
Intervenants :
Irène SARLIN, Oléicultrice et Vice-présidente de la Caisse Régionale Crédit Agricole Alpes Provence.
Mustapha CHEHHAR, Directeur général adjoint au Crédit Agricole du Maroc (CAM) , Conseiller du Président en charge de la mission de service public et Trésorier de la Fondation CAM pour le développement durable.
Bruno LEPOIVRE, Directeur du programme net zéro et des engagements sociétaux chez Pacifica, la filiale assurance dommage de Crédit Agricole Assurances.
Animée par Precila RAMBHUNJUN, Responsable de projets climat – résilience de la Fondation FARM.
Les intervenants ont débattu des modifications de leurs métiers pour mieux prendre en compte les réalités du terrain à partir de données de plus en plus précises. Ils ont abordé la nécessité de coopérer en Méditerranée et à l’international face au défi climatique pour partager des outils, des modèles et des expériences réussies en termes de financement et d’assurance.
Mustapha CHEHHAR (Crédit Agricole du Maroc) : « Au Maroc, nous avons 8,7 millions de terres arables avec 1 630 000 exploitants dont 75 à 80 % ont des superficies inférieures à 5 ha, et l’agriculture pluviale est dominante à hauteur de 85 %. La petite agriculture est constituée d’un tissu d’exploitants vulnérables, en particulier au changement climatique. Une réalité très risquée pour les banques mais aussi pour le public. (…)
Le Maroc a adopté un ambitieux plan de développement agricole, le Plan Maroc Vert, dont l’objectif était d’augmenter les superficies agricoles et les rendements. Nous avons cependant constaté que le changement climatique n’était pas assez pris en compte. Nous devons réorienter notre agriculture et nos financements vers des cultures plus résilientes, que ce soit l’amandier, le figuier, le cactus, le caroubier, tout en gérant la rareté de l’eau.
Malgré un intérêt fort pour engager la transition, un manque de connaissances techniques s’est révélé lors de nos échanges avec les acteurs des systèmes alimentaires. Pour répondre à ce besoin, et en collaboration avec l’AFD, nous avons lancé le programme Istidama (“durabilité” en français) pour les secteurs agricole et agro-industriel. Il offre un accompagnement complet : conseils techniques, financements à taux préférentiels et subvention de 10 %. Un premier déploiement auprès de grandes exploitations a été lancé avec une dotation de 50 millions d’euros.
Irène SARLIN (Crédit Agricole Alpes Provence) : « Face au changement climatique, il y a une très grande évolution du métier de banquier. Au départ nous étions banquiers, nous sommes devenus banquiers-assureurs et maintenant nous sommes banquiers, assureurs et conseillers. Nous allons regarder en amont quelles sont les problématiques de l’agriculteur et nous allons le conseiller. Nous avons des experts dédiés dans des centres viticoles et agricoles, qui sont au cœur des terroirs, au plus près de nos campagnes. L’agriculteur trouvera toujours quelqu’un en face de lui, qui va être présent pour l’aider et le conseiller. (…)
Les incertitudes liées au changement climatique peuvent agir comme un frein supplémentaire à l’installation de jeunes agriculteurs. A CAAP, nous accompagnons les jeunes agriculteurs, à l’installation avec des prêts à 0 % avec 0 frais de dossier, qui peuvent aller jusqu’à 50 000 € la première année de leur installation et, en 2024, nous avons accompagné 88 jeunes agriculteurs à s’installer.
Bruno LEPOIVRE (Pacifica) : « L’agriculture est un métier à risque, et notamment à risques climatiques. Il y a une augmentation forte de tous ces risques depuis quelques années, à la fois en fréquence, et en intensité. Il n’y a plus de régions ou de cultures qui soient aujourd’hui épargnées. Les rendements des cultures sont fortement affectés, parfois dramatiquement avec des taux de perte pouvant atteindre 100 %. Le besoin de se couvrir, de se prémunir, d’être indemnisé en cas d’événements est de plus en plus indispensable. La réforme du dispositif d’assurance en France, généralisé en 2023, a pour objectif d’augmenter ce taux de couverture. Selon le type de culture, nous sommes à 5 – 10 % pour les cultures les moins assurées, à 35 – 40 % pour les cultures les plus assurées en France. C’est une progression notable, bien que lente, et qui reste inférieure à ce que d’autres pays ont pu connaître.
D’autres pays méditerranéens sont en avance à l’image de l’Espagne et de la Turquie. Le système espagnol a démarré en 1986. Leur système de couverture et de mutualisation des risques climatiques est très volontariste et propose à tous les agriculteurs un système de couverture subventionné sur des fonds nationaux, sans aides européennes. Ils ont aujourd’hui 70 % de cultures assurées. (…)
Nous vivons dans un paradoxe. D’un côté, le risque est la matière première de l’assureur, s’il n’y a pas de risque, il n’y a pas besoin d’assurance. D’un autre côté, s’il y a trop de risques, trop d’incertitudes, il devient impossible d’assurer. Est-ce qu’une agriculture à +4°C sera assurable ? Nous l’espérons, mais pas avec les outils et les méthodes actuelles. Nous avons besoin d’être plus précis dans la connaissance et la compréhension des risques, des conditions dans lesquelles une culture va pouvoir s’adapter et donc va pouvoir être assurée.
Face aux risques climatiques croissants, les assureurs peuvent difficilement porter seuls le risque. Une coopération assurantielle est essentielle. Elle passe par des dispositifs de réassurance, des garanties étatiques et une répartition intelligente des risques entre acteurs publics, privés et producteurs. Il en va de notre responsabilité collective méditerranéenne d’attirer et de rassurer les réassureurs internationaux, en évitant un désengagement comme aux États-Unis.
Un grand merci aux intervenants, au public ainsi qu’à Max Havelaar France d’avoir accueilli cet évènement sur leur stand.
Les résultats de cet échange viendront nourrir les prochaines étapes du projet AACC-Med. N’hésitez pas à rejoindre le projet :
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