Sortir le financement de l'agriculture et des filières de l’impasse (Episode 2)

Publié le 26 juillet 2024
par la Fondation FARM
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Dans un contexte de très fortes contraintes financières, climatiques et géopolitiques, les discussions lors de la conférence internationale de la Fondation FARM ont révélé que le financement agricole est globalement inadapté aux réalités et aux besoins des unités de production, en particulier ceux des agricultures familiales en Afrique subsaharienne. Les modes de financements actuels sont le plus souvent sous-dimensionnés ou inadaptés pour relever les objectifs de transformation agroécologique et économique structurelle et de durabilité sociale dans les systèmes agricoles et alimentaires.

Episode 2 de la synthèse des débats et discussions de la conférence FARM 2024

TR2 : Mobiliser les financements privés (FARM, 2024)

Le soutien financier public ou privé à l’agriculture, en particulier dans les pays du sud, demeure insuffisant et souvent parcellaire. Ce constat fait malheureusement consensus et il s’inscrit dans une continuité d’impasses : celles du financement par les banques agricoles ou des marchés, celles de la microfinance mais aussi celles des dépenses publiques et aujourd’hui de la finance verte[1].

 

Un secteur (encore) sous-financé

Elina Amadhila, économiste à l’Université de Namibie, a partagé des chiffres sur ces écarts de financement (finance gap) lors de la première table ronde de la journée. Selon des calculs de la Fondation internationale pour la science, en 2022, le déficit de financement de la production primaire et de la transformation dépassait les 300 milliards $ à l’échelle mondiale. A titre de comparaison, la même année, selon l’OCDE, l’aide publique au développement (APD) consentie par les pays membres du Comité d’aide au développement (CAD) s’est montée à 204 milliards $. L’écart est donc abyssal entre les besoins de financement, en particulier dans les pays du Sud, et les capacités à minima des acteurs publics à y répondre.

Kako Nubukpo, Commissaire pour l’agriculture, l’environnement et les ressources en eau à l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a pointé du doigt un paradoxe dans les économies d’Afrique subsaharienne. Malgré le poids significatif de l’agriculture dans l’économie africaine (33 % du PIB) et son rôle majeur dans l’emploi (60 % de la population active), elle reste sous-financée, avec seulement 3 % des crédits à l’économie alloués à ce secteur, dont 80 % se limitent à des financements court terme. En Afrique subsaharienne, moins du tiers des petites et moyennes entreprises agricoles ont accès au crédit selon la chercheure namibienne, Elina Amadhila.

Les différents intervenants et notamment Elina Amadhila et Jyotsna Puri, Vice-présidente du FIDA, ont mis en avant plusieurs facteurs qui limitent l’accès aux financements bancaires agricoles, et notamment :

  • la faible inclusion financière des ruraux, à peine 5 % des adultes vivant en zones rurales dans les pays en développement ont reçu un prêt d’une institution financière formelle,
  • les taux d’intérêt élevés, la portée limitée des services financiers pour les exploitations agricoles en raison de la dispersion territoriale des emprunteurs, un aspect sur lequel le FIDA s’engage,
  • la faible taille des montants unitaires à gérer pour les différentes transactions, une problématique que la microfinance n’a pas réussi à traiter[2],
  • les obstacles rencontrés par les petits agriculteurs pour fournir des garanties et négocier des prix équitables en raison de leur manque de pouvoir de marché.

Les deux économistes ont aussi insisté sur les risques climatiques qui constituent un défi supplémentaire pour financer les agriculteurs en raison de l’incertitude qu’ils impliquent. Jyotsna Puri a rappelé que les besoins pour financer l’adaptation des agricultures aux impacts du changement climatique étaient plus de 10 à 15 fois supérieurs aux flux financiers publics actuels.

 

« Plus de financements publics ne suffira pas »

Les financements publics sont en deçà des attentes pour espérer atteindre les ODD en 2030. Selon un rapport de la FAO, du PNUD et du PNUE, 87 % des 540 milliards de dollars de soutien aux producteurs agricoles seraient d’ailleurs composés de mesures souvent inefficaces et inéquitables et engendreraient des distorsions dommageables à l’environnement[3]. Selon Rachel Bezner Kerr qui a cité les travaux conduits en 2019 du Panel d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition (HLPE), l’investissement public pour les approches agroécologiques demeure extrêmement limité. Les experts l’estiment entre 1 et 1,5 % des budgets totaux consacrés à l’agriculture[4]. En outre, comme l’a montré l’Observatoire des soutiens publics de la Fondation FARM, en Afrique subsaharienne, non seulement les dépenses publiques sont très faibles en comparaison des autres pays du monde mais surtout elles contribuent de manière indirecte au développement agricole et sont aussi parfois annulées par des politiques commerciales exposant les agriculteurs à la concurrence des marchés internationaux[5].

De son côté, Jyotsna Puri a rappelé que l’augmentation des financements publics à l’agriculture et à des systèmes alimentaires durables est nécessaire mais insuffisante pour combler ce fossé (gap) qui ne cesse de s’élargir. Elle a plaidé pour le mixage des ressources publiques et privées, concessionnelles et non concessionnelles. Le FIDA entend être un catalyseur de la blended finance et la France, par la voix de Christophe Guilhou, directeur du développement durable au ministère français de l’Europe et des Affaires étrangères, entend contribuer. Paris sera l’un des premiers contributeurs du FIDA pour le prochain cycle de financement. Shanti Bobin, sous-directrice des affaires financières multilatérales et du développement du ministère de l’Economie et des finances, a réaffirmé l’importance de l’impulsion financière des institutions publiques nationales ou internationales par un effet levier sur les financements privés. Dans cette optique, elle a mentionné le nouveau pacte financier mondial ainsi que le Pacte de Paris pour les peuples et la planète (4P), qui répond à une volonté de combinaison des fonds publics et privés. Elle a aussi rappelé la mise en œuvre du volet financement de l’initiative Food and agriculture resilience mission du Président Macron qui est piloté par PROPARCO et Bpi France. Le financement initial de 40 millions € est cependant faible au regard des besoins. Il vise à fournir un financement direct aux entreprises agroalimentaires qui rencontrent des difficultés à accéder au crédit, ainsi qu’aux PME agricoles et aux micro-entreprises. Il s’agira de financer des partenaires bancaires et des institutions de microfinance afin qu’ils puissent répondre aux besoins des petits emprunteurs.

Le secteur agro-alimentaire doit donc surmonter des défis tels que la conciliation entre rentabilité économique et durabilité environnementale, ainsi que la nécessité de promouvoir des pratiques commerciales équitables et inclusives. Il s’agit là d’une conclusion marquante qui émane des différentes séquences de la Conférence, à savoir une conditionnalité de plus en plus forte des financements au respect des critères ESG (environnement, société, gouvernance) par les entreprises et les acteurs économiques. Des conditions décrites comme un défi de taille assorti de vraies difficultés pour concilier ces attentes avec les performances financières des entreprises, comme l’a souligné Bhavin Vyas, responsable ESG de ARISE Integrated Industrial Partners. Le groupe basé dans différents pays africains (Togo, Gabon et Bénin notamment), conçoit, finance, construit et exploite via des Partenariats publics privés (PPP) des zones industrielles intégrées. Selon Bhavin Vyas, l’objectif pour l’entreprise est d’augmenter la transformation locale des produits agricoles africains qui sont aujourd’hui exportés bruts pour créer de la valeur économique sur le continent. Bhavin Vyas a plaidé pour l’intégration des critères ESG dans les PPP pour le développement des chaînes de production agricole. Selon lui, avec les indicateurs adéquats et de bons outils de mesure et de suivi-évaluation, cela pourrait constituer un levier de transformation des agricultures et des systèmes alimentaires. Il a insisté sur deux dimensions centrales dans la mesure de l’impact : le carbone et l’inclusion sociale.

 

Développer l’accès aux crédits pour les producteurs et les acteurs économiques de la transition

Des solutions ont été discutées tout au long de la journée pour le développement de l’offre de crédit de la part des banques publiques avec, comme l’a souligné Elina Amadhila, deux pistes principales :

  • Augmenter la part des prêts agricoles accordés par les banques publiques de développement « génériques », au moyen d’instruments incitatifs tels que les taux d’intérêt bonifiés, les garanties de prêts accordés par des banques classiques ou encore des instruments « obligatoires » comme des quotas de crédits pour l’agriculture (l’exemple du Crédit agricole du Maroc, aujourd’hui banque universelle est éclairant) ;
  • Créer des banques publiques de développement agricoles (NABARD en Inde et d’autres cas en Amérique du Sud) dont les services financiers seraient dédiés et adaptés aux acteurs des filières agricoles et à leurs problématiques.

A titre d’exemple de banque agricole, Hakob Andreasyan, Directeur général d’ACBA, a présenté l’évolution de la banque arménienne, née de la volonté de l’Union européenne en 1994. Conçue au départ comme une institution de microfinance, elle est aujourd’hui banque de référence pour l’agriculture. ACBA s’est constituée d’une part en s’appuyant sur un socle sur 60 associations villageoises qui ont créé des comités de crédit et d’autre part, sur des agriculteurs qui, en contrepartie d’une modeste cotisation, , sont devenus administrateurs. Si aujourd’hui, elle n’a plus  uniquement des clients agriculteurs, la banque a toutefois gardé son mode de fonctionnement mutualiste, ce qui lui permet une meilleure gestion du risque et des taux de défaut quasi nuls selon son directeur général. Le cas d’ACBA en Arménie illustre comment une institution de microfinance est devenue une banque mutualiste d’envergure, avec le soutien de fonds publics (UE) et privés (Groupe Crédit agricole en France).

Entre les institutions de microfinance qui, par leur proximité, peuvent financer des ménages agricoles petits et moyens et des banques ou des fonds à impact dont les volumes de financement sont plus importants, une partie de l’économie agricole souffre d’un déficit de financements adaptés à des besoins intermédiaires. Il s’agit notamment des entreprises de transformation agroalimentaire ou des fournisseurs de services et d’intrants. Frank Eyhorn, directeur général de la fondation suisse Biovision a expliqué au cours de la conférence que beaucoup d’entreprises peinent à trouver des prêts de 10 à 15 000 euros, une « zone grise » qui n’est souvent pas comblée par les acteurs classiques du financement. Pour répondre à ce besoin, la Fondation met en œuvre un accélérateur au Kenya et en Ouganda, Neycha, qui cible spécifiquement des entreprises agroécologiques avec de l’assistance technique et des prêts allant de 10 à 50 000 $. Dans cette optique, Frank Eyhorn a partagé des exemples concrets illustrant cette initiative, notamment l’entreprise Safi Organics au Kenya qui organise la production décentralisée d’engrais biologiques.

 

Engager les chaînes de valeurs et l’ensemble des acteurs pour une transformation systémique

Aux côtés du secteur financier et bancaire, les acteurs des chaînes de valeur peuvent également être mobilisées pour financer les transformations agricoles. En effet, comme l’ont montré les travaux conduits par la Fondation FARM sur le sujet, les filières structurées et organisées sont un levier essentiel pour relever les défis qui se posent aux agricultures et notamment l’atteinte des ODD.

Les filières agricoles ont longtemps été le principal vecteur de financement dans certaines zones rurales, en particulier pour les filières d’exportation (coton, café, cacao etc.). Le financement est ici structuré au profit des activités de commercialisation des produits. Il est proposé par différents acteurs qui deviennent des fournisseurs de services financiers (fournisseurs d’intrants, acheteurs, transformateurs, intermédiaires, etc.). Il est souvent présenté comme une solution face aux difficultés pour les producteurs agricoles dans les pays du Sud d’accéder aux crédits et recouvre des réalités très différentes. Le financement par les chaînes de valeur (value chain finance) renvoie aux mécanismes de coopération entre les acteurs des filières permettant l’accès au crédit, en espèce ou en nature, accordé directement ou via des institutions financières, en contrepartie d’un engagement de vente de la production à des conditions le plus souvent prédéfinies. L’organisation de ce financement passe par la contractualisation, quipermet ainsi l’accès à des intrants, des crédits ou de l’assistance technique, La contractualisation est un moteur important de transformation des agricultures, n’a-t-il pas permis dans certains contexte le développement du recours aux intrants (engrais et pesticides) parfois dans des proportions néfastes pour l’environnement et les sociétés humaines ? Mais, en miroir la contractualisation peut aussi être un moteur des transitions, comme l’illustre l’engagement de distributeurs ou de transformateurs même si une minorité de producteurs. On pensera par exemple à l’engagement d’acteurs en aval dans des filières de commerce équitable comme Ethiquable que FARM a interrogé lors de l’épisode 5 de Transition(s)  l’émission de la Fondation FARM consacré aux défis de l’agriculture dans le monde.

Au cours de la conférence, Hugo Marin Brenes, responsable adjoint du développement des producteurs pour l’Amérique centrale chez Walmart, a présenté un programme d’accompagnement des producteurs dans l’adoption de pratiques durables. Le programme Tierra Fertil propose du financement, de l’assistance technique et surtout la création de relations commerciales à long terme. Il propose deux types de financements pour soutenir les producteurs.

  • Le financement direct qui cible des projets clés adaptés aux besoins spécifiques des agriculteurs pour protéger leurs récoltes des aléas climatiques. La multinationale américaine a investi 275 millions de dollars dans cinq pays pour développer de tels projets, avec un remboursement prévu sous deux ans. Si c’est un engagement fort, nous pouvons aussi nous interroger sur la capacité de remboursement des producteurs, par exemple en cas d’aléas climatiques à répétition. Il est probable que seuls les plus résilients et disposant de ressources puissent s’engager dans ce programme.
  • Le financement indirect qui implique un accord entre Walmart et des banques privées, où Walmart garantit la capacité de remboursement des bénéficiaires.

Parallèlement au financement, Tierra Fertil fournit un soutien technique aux agriculteurs, notamment des conseils agronomiques, un accès à la technologie et des formations sur le recyclage et l’utilisation de sous-produits de la ferme pour réduire les coûts. A noter que les producteurs s’ils ont un contrat avec l’entreprise peuvent aussi décider de vendre leur production à d’autres acheteurs. Pour aller plus loin et mettre ces initiatives à l’échelle, une transformation systémique des business model des distributeurs et du fonctionnement des marchés est nécessaire pour une meilleure valorisation des produits issus de l’agriculture durable.

Cet exemple illustre la nécessité de garantir aux producteurs l’accès à un marché et de sécuriser des débouchés commerciaux sur la durée, condition sine qua non de leur engagement dans une trajectoire de transformation. Cet élément a été souligné par Iris Vilchez Paucar, directrice de la coopérative de crédits péruvienne Etica, intervenue à distance. Comme elle l’a rappelé, les producteurs sont des acteurs économiques et sans garantie d’un marché pour leur production ils finiront par se désengager de ces trajectoires, en particulier lorsqu’il y a des investissements, même minimes à réaliser. Francesca Nugnes, spécialiste en développement des capacités et du secteur privé à la Plateforme de gestion du risque en agriculture (PARM) illustre cela avec le cas de la Tunisie[6], où « des efforts sont déployés dans les filières oléicoles et céréalières pour promouvoir la production organique et valoriser sa commercialisation ». Cette démarche de valorisation crée des opportunités sur un marché particulièrement dynamique, incitant ainsi à l’adoption de pratiques agroécologiques et à des investissements dans ce domaine.

Les quelques exemples développés au cours de la conférence illustrent que l’agriculture contractuelle peut faciliter l’intégration de pratiques durables au travers de cahiers des charges (fertilisation organique, utilisation raisonnée des pesticides ou développement d’alternatives, agroforesterie, etc.), tout en assurant l’accès aux intrants et aux équipements nécessaires à ces pratiques et en offrant des revenus stables et dignes aux producteurs, à condition bien entendu que les produits répondent à une demande et soient achetés par les consommateurs.

 

Les intervenants au cours de la journée ont aussi insisté sur la nécessité de mettre en œuvre des instruments financiers qui répondent aux objectifs de rendements et de productivité mais aussi de préservation des écosystèmes. Ils ont mis en avant le manque de mécanismes financiers bien établis qui s’adressent à des projets de transformation ou d’intensification agroécologique dans les pays du Sud. Ces pratiques ou projets ne produisent généralement leur plein effet qu’à moyen ou long terme. Cela demande donc aux acteurs financiers qu’ils se positionnent plus activement et acceptent de financer des projets durables qui souvent auront des rendements plus faibles à courts termes et qui pourraient produire des effets à plus longs termes. On peut donc s’interroger sur la capacité des acteurs financiers (banques mais aussi plus généralement fonds d’investissement) à soutenir de manière adéquate ces transitions[7] du fait de leur complexité. Elizabeth O’Reilly, fondatrice d’Avondale Alternative Advisors, a, en revanche, fait valoir que les fonds dits « à impact » qui s’impliquent dans le financement des systèmes agricoles, peuvent être des acteurs clés dans ces transitions du fait de l’importance qu’ils accordent aux rendements extra-financiers.

 

Pour retrouvez le replay de la conférence internationale et des tables rondes, cliquez ici.

 

[1] Voir à ce sujet le numéro 254 de la Revue internationale des études du développement consacré au thème « Financer les transformations agricoles et alimentaires »

[2] Voir à ce sujet François Doligez et ali, 2008 « Financer les transitions agricoles et rurales », dans Défis agricoles africains, Afd/Karthala.

[3] FAO, UNDP & UNEP. 2021. A multi-billion-dollar opportunity – Repurposing agricultural support to transform food systems. Rome, FAO.

[4] HLPE. 2019. Approches agroécologiques et autres approches novatrices pour une agriculture et des systèmes alimentaires durables propres à améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition. Rapport du Groupe d’experts de haut niveau sur la sécurité alimentaire et la nutrition du Comité de la sécurité alimentaire mondiale, Rome

[5] Abdoul Fattah Tapsoba et Matthieu Brun. 2023. Le soutien total à l’agriculture et à l’alimentation : un paysage mondial contrasté. Publications de la Fondation FARM (en ligne).

[6] Bessais, R. 2024, 1 mars. La PARM appuie le gouvernement tunisien dans l’évaluation des risques pour les chaînes de valeur « Oléicole et Céréalière ». Webmanagercenter. https://www.webmanagercenter.com/2024/03/01/521433/la-parm-appuie-le-gouvernement-tunisien-dans-levaluation-des-risques-pour-les-chaines-de-valeur-oleicole-et-cerealiere/

[7] Jézabel Couppey-Soubeyran et Étienne Espagne. 2022. « La transition écologique : vers un changement de paradigme monétaire et financier ? Introduction », Revue économique, vol. 73, no. 2.

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