Semences en Afrique (2/3) : pourquoi la coopération est essentielle pour mieux structurer les filières locales
L’accès aux semences de qualité constitue un enjeu stratégique pour les agriculteurs des pays en développement, en particulier en Afrique, afin qu’ils puissent augmenter leur rendement et la qualité de leurs productions. Face au changement climatique, la sélection des semences constitue un outil indispensable pour y parvenir, en particulier dans un contexte de réduction du recours aux intrants. Intensifier la coopération pour structurer les filières semencières contribuera durablement au développement économique et agricole dans les pays africains.
Les semences, un élément clé pour la sécurité alimentaire en Afrique
En Afrique subsaharienne la sélection variétale est généralement confiée aux centres de recherche publics. Les variétés couramment utilisées en Afrique sont généralement très anciennes (plusieurs dizaines d’années) contre des moyennes inférieures à 10 ans en Europe. De plus, le commerce de semences de qualité en Afrique représente 3 % des échanges mondiaux et se concentre sur les semences potagères. Il apparaît aujourd’hui plus qu’important de progresser dans ces domaines pour accroitre la capacité de production africaine, dont le potentiel est immense. C’est la raison pour laquelle les groupes semenciers internationaux commencent à s’intéresser au secteur sur ce continent.
La production de semences de qualité est un domaine d’activité particulièrement réglementé à travers des normes internationales pour la certification des semences agricoles commercialisées, dont notamment le système de certification variétale des semences de l’OCDE. Ce système offre un cadre réglementaire mondial pour la certification des semences, visant à faciliter la commercialisation des semences et leurs échanges internationaux à travers la simplification et l’harmonisation des procédures de documentation, d’inspection et d’essai. Il garantit la transparence, la traçabilité et la qualité des semences.
S’agissant de la propriété intellectuelle, dont les principes visent à rémunérer les efforts de créations variétales qui sont particulièrement coûteux pour les sélectionneurs, 96 pays et organisations régionales (UE, OAPI) sont membres de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV), garantissant ainsi la protection à travers les certificats d’obtention végétale. La moitié du continent africain a aujourd’hui rejoint ce système, à la faveur de l’harmonisation des réglementations des organisations sous-régionales dans ce domaine.
La France, filière semencière incontournable
Dans ce contexte, la France, 1er producteur de semence de l’Union européenne, est réputée pour son organisation et la qualité de ses semences qu’elle exporte vers 150 pays sur les 5 continents.
Cette filière d’excellence est déjà mobilisée à l’international pour accompagner les producteurs dans l’organisation et le développement de leurs filières, mais il est sans doute possible de faire plus dans le cadre de partenariats de coopération et de financements appropriés qui s’inscrivent dans la durée pour atteindre des objectifs réalistes en matière de structuration de filières semencières. Les attentes des pays africains partenaires de la France sont nombreuses à cet égard. C’est le cas notamment du Cameroun et de l’Angola où le secteur privé français a été invité, à l’occasion de déplacements officiels (juillet 2022 et mars 2023), à proposer de nouveaux projets structurants pour les filières agricoles.
Le secteur semencier français est en effet susceptible d’être mobilisé dans le cadre des initiatives françaises développées pour faire face à la crise alimentaire mondiale, notamment la Food and Agriculture Resilience Mission lancée par le Président Macron en mars 2022 (pilier 3 visant à soutenir les capacités de production durable). Le groupe de travail « recherche » a d’ailleurs préconisé d’augmenter la production en Afrique – tout en préservant la durabilité des écosystèmes – en investissant notamment dans les protéines végétales pour l’alimentation humaine.
Favoriser l’accès aux semences de qualité grâce à la structuration des filières locales
Dans un objectif de développement des productions agricoles des pays du Sud, l’approche la plus constructive consiste à stimuler localement la structuration de filières de production de semences de qualité. A contrario, une approche qui consisterait à fournir à ces pays des semences produites en Europe dans des conditions pédoclimatiques très différentes n’est pas adaptée. Cette dernière ne s’inscrit aucunement dans une logique de durabilité et ne peut être couronnée de succès, car il faut des années pour choisir des semences adaptées aux conditions pédoclimatiques locales et les mettre sur le marché à des prix acceptables pour les producteurs locaux dans le cadre de filières proposant des niveaux de valorisation rémunérateurs.
La montée en gamme des filières de production et de multiplication de semences de qualité, dans une logique de développement du secteur privé, est un processus long et coûteux. Il implique prioritairement de réunir un ensemble de conditions réglementaires et de normes qui permettront d’encadrer les activités de production, de contrôle, de certification et de protection intellectuelle des semences de qualité. La mise à niveau et la bonne mise en œuvre de la réglementation, ainsi que les efforts en matière de renforcement des capacités, sont les clés du succès tout comme sont indispensables les équipements et des infrastructures nécessaires au bon déroulement des étapes techniques à l’échelle locale (terrain d’essais, laboratoires…).
La protection intellectuelle sur les semences, la qualité de l’environnement des affaires, la lutte contre les contrefaçons et l’accès aux financements constituent, en outre, un cadre sécurisant pour les acteurs économiques et les investisseurs qui croient aux potentialités de ce secteur de production. C’est à ces conditions que le secteur privé, dont les entreprises semencières européennes, sera encouragé à s’impliquer durablement et à développer des investissements dans ces filières locales.
Miser sur le secteur privé et la libéralisation des marchés, dès lors que les réglementations en matière de propriété intellectuelle et de certification sont harmonisées et appliquées, contribuera à la mise en marché de nouvelles variétés adaptées. L’offre sera aussi de fait enrichie en matière de biodiversité pour les agriculteurs. Les centres de recherche publics seront dans ce contexte encouragés à coopérer avec le secteur privé.
Intensifier la coopération en faveur de la structuration des filières semencières en Afrique
Les organisations de la filière française des semences et plants ont appuyé depuis des dizaines d’années de nombreux pays africains en poursuivant l’objectif d’une meilleure organisation du secteur privé et de l’adoption des normes internationales, selon les pays et filières, sur différents types d’activités et modalités de coopération.
L’accompagnement par la mobilisation d’experts français a été un axe de coopération important. Les actions ont notamment porté sur la certification et le contrôle de variétés selon les espèces. L’accompagnement a porté tant sur la partie relative à l’analyse des textes règlementaires de certification variétale, d’inscription des variétés, ou encore de protection des obtentions végétales à travers les ateliers de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) et de l’African Regional Intellectual Property Organization (ARIPO), que sur la partie terrain dont l’inspection des parcelles, les essais et tests…
Des formations ont aussi été développées sur les normes et réglementations, la mise en œuvre des textes, les mises à niveau de contrôleurs ou de techniciens de laboratoires sur les tests et examens. L’appui a aussi porté sur la création et l’animation d’organisations professionnelles semencières nationales et continentale (comme l’African Seed Trade Association) qui rassemblent l’ensemble des acteurs privés et dialoguent avec les institutions nationales et régionales sur les problématiques et priorités du secteur privé.
Au regard des niveaux de rendements en Afrique et des enjeux de sécurité alimentaire, les acteurs français des semences et plants sont prêts à intensifier leurs efforts en faveur de la structuration des filières semencières et de la professionnalisation des acteurs privés pour les aider à développer les niveaux de rendement et la qualité des productions, en prenant en compte les enjeux de la biodiversité et du changement climatique.