TRIBUNE - Afrique-France : une agroécologie au service de la souveraineté alimentaire
Publié sur le site Les Échos le 10 mars 2023 – Des stratégies, si elles sont accompagnées et mises à l’échelle, permettraient de développer des systèmes agricoles durables et une meilleure maîtrise par l’Afrique de sa destinée alimentaire. Or, elles sont insuffisamment soutenues, soulignent Matthieu Brun, Samuel Diéval et Olia Tayeb Cherif.
Depuis maintenant trois ans, les prix mondiaux des matières premières et intrants agricoles flambent sous l’influence de nombreux facteurs. Le conflit russo-ukrainien n’est pas le déclencheur mais a exacerbé cette crise. Ces chocs de prix, qui risquent de perdurer, accentuent la pression sur les systèmes alimentaires d’Afrique subsaharienne.
Les agricultures familiales sont fortement impactées par le manque d’accès aux engrais et par une inflation qui s’est accentuée depuis la pandémie de Covid-19. Cela se traduit par des contraintes fortes, sur les revenus des producteurs, leur accès à l’alimentation et leur capacité à produire. Tout cela intervient dans un contexte de grande vulnérabilité du continent au changement climatique et aux conflits.
Pourtant, les agriculteurs continuent de produire et mettent en place des stratégies d’adaptation. Les organisations paysannes l’ont rappelé dans une enquête conduite par Afdi et la Fondation FARM. En s’appuyant sur l’atout que représente la grande diversité des agricultures africaines, ces stratégies se concrétisent notamment par la réduction des coûts de production et des risques liés à l’investissements. Les producteurs cherchent par exemple à recourir davantage à une production locale d’intrants et de denrées alimentaires pour leur consommation.
Les producteurs et ceux qui les accompagnent, en particulier leurs organisations professionnelles, visent un double objectif : résilience et autonomie. Les solutions d’adaptation, si elles sont accompagnées et mises à l’échelle, permettraient de développer des systèmes agricoles durables. Or, ces stratégies sont insuffisamment soutenues. Les acteurs français et européens de l’aide au développement, mais aussi des filières agricoles et alimentaires, ont l’opportunité de se positionner pour soutenir ces transitions, notamment via des co-investissements responsables. Ces derniers doivent s’inscrire dans les politiques portées par les gouvernements africains.
La période actuelle, au-delà des dommages considérables qu’elle occasionne, offre une opportunité d’envergure pour le futur des relations Afrique-Europe : faire converger deux agendas politiques, celui de la souveraineté alimentaire et celui d’une transformation agroécologique structurelle.